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Remarques sur les monnaies usitées dans l'Afrique romaine à l'époque du Haut-empire').

Par R. Cagnat.

Il est à peine besoin de rappeler, au début de cet article, que sous l'Empire et dans toute l'étendue du monde romain, la monnaie romaine, comme les mesures et les poids romains, étaient d'un usage obligatoire. Auguste avait ordonné que les comptes publics et les tarifs seraient faits. et dressés désormais uniquement d'après le systême romain et que les pièces de bronze romaines, comme le denier d'argent, auraient cours légal et forcé 2).

C'est en effet la mention de la monnaie romaine que portent, à toutes les époques, les divers règlements recueillis en Afrique; il n'en est malheureusement pas de date ancienne.

On peut citer pour le III siècle:

la lex portus de Zraïa3)

les règlements militaires du camp de Lambèse 4)

celui d'Henchir-Dekir 5);

et d'autres tarifs, de nature imprécise à cause de leur mutitation,

découverts à Carthage );

pour le IV ou le Ve siècle:

le tarif de passage de la lagune de Carthage')

et un règlement relatif à quelque impôt provenant de la même ville). Tous ces documents ne mentionnent que des deniers, des sesterces et, plus tard, des folles.

C'est pareillement en sesterces, deniers, ou divisions de ces unités monétaires que sont indiquées les libéralités faites à toutes les époques

1) La présente note était destinée au Congrès international des Sciences historiques qui s'est tenu cet été à Berlin. Mes occupations professionnelles m'ayant, au dernier moment, empêché de m'y rendre et un règlement impitoyable s'opposant, paraît-il, à ce qu'un mémoire fût lu en séance en l'absence de son auteur, je remercie Klio et ses aimables directeurs de vouloir bien m'accorder l'hospitalité. 2) Mommsen, Hist. de la monnaie romaine (trad. fr.) III, p. 342 et suiv. 3) CIL, VIII, 4508. 4) Ibid., 2553, 2554, 2557 etc. 5) Ibid., 14 683.

6) Ibid., 12574, 24 614, 24 615. 7) Ibid., 24514. 8) Ibid., 24 609.

et dans toutes les parties de l'Afrique du Nord par les citoyens riches à leur ville, summae honorariae versées à la caisse municipale par les magistrats), frais de construction d'édifices, de statues, legs testamentaires destinés à la fondation de jeux ou de repas, dépenses occasionnées par des enterrements ou des sépultures 2). Les exemples en sont trop nombreux pour qu'il soit possible et utile de les mentionner; je rappelerai seulement à cause de sa précision inusitée, ce texte de Bône, de l'âge d'Hadrien, où un citoyen promet une statue d'argent du prix de 51 335 sesterces, tribus libellis, singula, terruncio, et aeris quadrante ?3).

Le monnayage local n'avait cependant pas .cessé partout dès le début de l'époque impériale.

Pour l'argent, on n'en frappait plus que dans les contrées protégées de Rome, mais non incorporées à son territoire. Antérieurement à la prise de Carthage, les rois de Numidie émettaient des espèces d'argent et même d'or, suivant le système phénicien. Ainsi avaient monnayé Masinissa, Micipsa et Jugurtha ). Depuis la destruction de cette ville, dit Müller, les monnaies de Rome dont on se servait dans la province d'Afrique s'étaient sans doute répandues en Numidie, d'abord sous les relations paisibles qui ne cessèrent d'exister entre les gouverneurs de la province et Micipsa, puis pendant la guerre contre Jugurtha, lorsque les Romains. étaient maîtres d'une grande partie du pays. Une des conséquences de cette pénétration fut le changement de l'ancien système monétaire; à partir de Hiemsal II, installé roi par le sénat et soutenu par Pompée contre son rival Hiarbas, sous son règne et sous celui de Juba I, les monnaies d'argent numides devinrent conformes au type romain 5). Elles cessèrent naturellement d'être émises le jour où la Numidie fut réduite en province romaine.

Le monnayage d'argent se continua seulement, pendant quelque temps, dans les Maurétanies. On possède des deniers de Bogud II à légende latine; on en a surtout de Juba II et de Ptolémée qui, pour la valeur, le module et le poids, sont en tout semblables aux deniers de Rome).

Le jour où la Maurétanie perdit son indépendance pour être annexée au reste des prossessions romaines, il ne fut plus frappé une seule pièce d'argent dans toute l'étendue de l'Afrique du Nord, l'émission de ce métal étant un privilége de l'Etat souverain).

On ne peut pas en dire autant de la monnaie de bronze: l'émission en fut, non seulement tolérée, mais officiellement patronée pendant quelque temps. Le sénat, qui avait conservé le droit de frapper les espèces de cuivre, ne pouvait pas suffire à alimenter immédiatement tout l'Occident: il

3) Ibid., 17 408.

1) Ibid., p. 1118. 2) CIL, VIII, p. 1117.
4) Müller, Numism. de l'ancienne Afrique, III, p. 74 et suiv.
5) Ibid., p. 75. 6) Ibid., p. 180 et suiv.

7) Cf. Marquardt, Organis. financ., p. 42 et 43.

fallait donc trouver un moyen de suppléer à cette pénurie, qui eût été singulièrement préjudiciable aux transactions, soit par l'emploi de l'ancienne monnaie du pays, soit par la frappe de nouvelles monnaies locales. Celles-ci furent de deux sortes, provinciales et municipales1).

La monnaie provinciale fut fabriquée par ordre même de l'empereur. La preuve en est dans l'absence, sur les pièces de cette sorte, des deux lettres S C., caractéristiques des émissions sénatoriales. On n'y trouve la mention d'aucun atelier; Müller admet qu'elles sortaient de celui d'Hadrumète à cause de leur conformité avec les pièces de cette ville 2). Toutes se rapportent au règne d'Auguste; les unes portent son nom et son effigie, en même temps que celles de L. et de C. César ); d'autres l'effigie impériale et celle du proconsul); d'autres, enfin, le nom et le tête du proconsul Africanus Fabius Maximus et, au revers, un éléphant entouré du nom du questeur C. Livineius Gallus 5).

En Maurétanie, dans l'espace de temps qui suivit la mort de Bocchus (33 av. J. C.) et qui précéda l'avénement de Juba II (29 av. J. C.), il y eut aussi fabrication de monnaie de cuivre impériale, avec la tête d'Auguste ou son nom au droit, celle de l'Afrique, de Baal, ou différents animaux au revers 6).

A côté de cette monnaie provinciale, les municipalités, surtout les villes autonomes), émirent pour leur usage personnel, soit à la fin de l'époque républicaine, soit au début de l'Empire de nombreuses monnaies locales. Les cités dont on connait ainsi des pièces sont: en Tripolitaine. Leptis Magna), Oaea (seule 9), ou en commun avec d'autres cités Zitha, Zuchis, Macaraea, Bilan ?) 10) Sabrata "); en Afrique, Cercina 12), Thaenae 13), Achulla 14), Thapsus 15), Leptis Minor 16), Hadrumète1), Thysdrus 18). Carthage 19), Clypea 20), Utique 21) et Hippo Diarrhytus 22); en Maurétanie Tingi 23), Lixus 24) et Babba 25). Sauf une seule exception, qui remonte à l'époque des guerres civiles 26) toutes ces pièces sont de bronze, l'argent

1) Cf. sur tout ceci Lenormant, La monnaie dans l'antiquité, II, p. 183.

2) Müller, op. cit. II p. 61 et suiv. 3) Ibid., p. 62, n. 38.

4) Ibid., n. 39; cf. suppl. p. 44; ibid., suppl. p. 43, n. 39 a.

5) Ibid., II, p. 61, n. 37; Rec. de Constantine, 1904 (XXXVIII) p. 187.

6) Ibid., III, p. 101, n. 17; suppl.

7) Cf. Mommsen, Droit public romain, VI, 2, p. 347 et 348.

9) Ibid., II, p. 15 et suiv.
12) Ibid., p. 35. 13) Ibid., p. 40.
15) Ibid., p. 47. 16) Ibid., p. 49.
19) Ibid., p. 149 et suiv.; suppl. p. 54.

8) Müller, op. cit., II, p. 5 et 6; suppl. p. 32.
10) Ibid., p. 20, 23, 26. 11) Ibid., p. 26.
14) Ibid., 43.
p.
18) lbid., p. 58.

21) Ibid., p. 159.

22) Ibid., p. 167.

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17) Ibid., p. 51.

20) Ibid., p. 155.

Mommsen croit plutôt que ces monnaies appartiennent à Hippo

Regius (Droit public romain, VI, 2, p. 348, note 1).

23) Müller, op. cit., III, p. 146. 24) Ibid., p. 156. 25) Ibid., p. 170.

26) Ibid., II, p. 5, n. 13 et p. 14: c'est un denier d'argent de Leptis Magna à lé

gende néo-punique.

Les légendes

étant, ainsi qu'il a déjà été dit, un monopole de l'Etat. qui s'y lisent sont rédigées soit en néo-punique, soit en latin. Les premières, assez nombreuses, ne dépassent presque jamais le règne d'Auguste 1); les secondes remontent parfois jusqu'à une date antérieure à ce prince 2). Elles indiquent, les unes le nom de la ville où la monnaie à été frappée, les autres celui des magistrats suprêmes qui ont présidé à l'opération, sufètes 3), duumvirs ou quatuorvirs). On y trouve aussi des noms de proconsuls, au génitif, précédés du mot permissu 3), ou au nominatif"), ou méme à l'ablatif), ou encore les lettres PP), qu'il convient d'interpréter par la formule permissu) p(roconsulis); d'où il résulte que cette émission monétaire était soumise à l'autorisation préalable du gouverneur de la province.

Ces pièces portent, avant toute autre, l'effigie de l'empereur ou des membres de sa famille; car, c'était une loi générale dans l'Empire, destinée à sauvegarder et à indiquer nettement les droits de la souveraineté impériale, que les villes favorisées par le prince du privilège d'émettre des monnaies devaient y graver son portrait et son nom sur la face principale ). Un certain nombre d'entre elles montrent aussi l'image du proconsul en charge: P. Quinctilius Varns 10) (7 av. J. C.). Africanus Fabius Maximus 11) (6 av. J. C.) et L. Volusius Sartuninus 12) (5 av. J. C.).

La présence de ces effigies proconsulaires a soulevé une discussion entre Müller 13) et Mommsen 1). Le premier, s'appuyant, d'autre part. sur l'autorité de Waddington 15), admet que la présence des tétes de proconsuls sur les pièces municipales est suffisammment motivée par les honneurs qu'on leur décernait dans les provinces et que les villes qui les y ont placées voulaient par là leur rendre hommage on acquérir leur faveur. Le second reconnait dans ce fait, non un acte banal d'adulation, mais un acte politique. Il remarque qu'il ne se produit plus après l'année 5 av. J. C. et qu'il est limité aux monnaies des deux grandes provinces séna

1) Je n'en ai trouvé que deux exemples postérieurement à Auguste; les pièces sont au musée de Constantine (Rec. de Constantine, 1904 [XXXVIII], p. 185, n. 3647 et 3648).

2) Müller, op. cit., II, p. 51 (Hadrumète), p. 149 (Carthage).

3) Ibid., p. 149, n. 319 et 320.

4) Ibid., p. 149, n. 321, 323, 327; p. 155, n. 330; p. 160, n. 355 et suiv., etc.

5) Ibid., p. 35 n. 65; p. 155, n. 331 et suiv.; p. 156, n. 335 et suiv.

6) Ibid., p. 44 n. 9 et 10; p. 52, n. 26, 27, 28, 29; p. 167, n. 378.

7) Ibid., p. 160 n. 355 à 372; Bull. arch. du Comité, 1897, p. 250.

8) Müller, op. cit, II, p. 149 n. 322 et suiv.; p. 159, n. 344 et suiv. Sur la valeur de ces sigles cf. Borghesi, Œurr. num., I, p. 480 et suiv.; Cavedoni, Bullett., 1862, p. 176; Müller, op. cit., suppl. p. 57.

9) Lenormant, loc. cit., p. 166 et 336.

10) Müller, op. cit., II, p. 44, n. 7.

11) Ibid., II, p. 52, n. 29; Bull. arch. du Comité, 1897, p. 250.

12) Müller, op. cit., II, p. 45, n. 10; p. 52, n. 27, 28.

13) Ibid., p. 40 et supp. p. 40; Zeitschr. für Numismatik, IV, p. 295 et suiv. 14) Histor. Schriften, I. p. 183.

15) Mél. de numism., II, p. 133 et suiv.

toriales, l'Asie et l'Afrique. Il en conclut que, dans l'organisation dyarchique établie par Auguste, les proconsuls de ces deux pays avaient, au début, des pouvoirs pareils à ceux que l'empereur exerçait dans les provinces impériales. Le droit de battre monnaie constituait une prérogative de l'imperium; il était naturel qu'il appartint aux généraux issus de la désignation sénatoriale dans les deux plus grandes des provinces laissées au peuple. Ce fut seulement lorsque Tibère, à la mort des deux infants Caius et Lucius César, eut été appelé à partager le pouvoir et eut pris une grande influence sur Auguste que ce droit fut retiré aux proconsuls, comme attentatoire à la souveraineté de l'empereur et que la fiction initiale d'où était sortie la monarchie des Jules reçut par là un premier démenti1).

Les émissions de bronze par les municipalités se continuèrent, en Afrique, sous Tibère; elles cessèrent presque partout avec lui, sauf en Maurétanie Tingitane et pour la ville de Babba, qui frappa des pièces à l'effigie de Claude et de Néron 2) on n'en connait pas d'antérieures, ni de postérieures à cette période qu'il soit permis, pour cette ville, de regarder comme à l'abri de tout soupcon 3). A ce moment la quantité de bronzes produits par l'Etat en Italie était évidemment regardée, du moins en théorie, comme suffisante pour faire face à tous les besoins de la circulation dans les provinces africaines.

Dès lors et jusqu'à l'époque de la tétrarchie on ne fabrique plus de monnaies dans le pays, excepté dans des circonstances tout à fait anormales. Le seul exemple certain que nous ayons se rapporte à la révolte de Clodius Macer, le rival de Galba1). Une de ses premières manifestations d'indépendance fut de créer des monnaies à son effigie; mais, en cela même, il rompit avec les habitudes de son temps. On sait qu'il avait la prétention de restaurer les formes républicaines et de ramener les anciens usages. Il copia donc les types des deniers républicaines et y inscrivit son nom, non point comme empereur, mais comme gouverneur de la province, comme légat propréteur, dénomination à laquelle Auguste avait substitué celle de proconsul. L'imperium attaché à ce titre justifiait sa prétention; d'ailleurs, pour mieux marquer encore ses intentions, il inscrivit sur toutes ses monnaies, comme les généraux du sénat à l'époque de Sylla, les lettres S. C. 1) Tout ceci est bien résumé par Lenormant, La monnaie dans l'antiquité, II, p. 214 et suiv.

2) Müller, op. cit., III. p. 170 et suiv.; Rec. de Constantine, 1904 (XXXVIII) p. 206 n. 3791 à 3793.

3) Les monnaies de cette ville attribuées au règne d'Auguste (Müller, op. cit., p. 176) sont fausses ou mal lues; celle qui porte le nom de Galba (ibid., p. 172, n. 283) a été révoquée en doute par Mommsen (Hist. de la monnaie rom. II, p. 351 note 1). Müller croit a son authenticité. Le voisinage de l'Espagne où Galba fut proclamé pourrait expliquer la frappe de cette monnaie.

4) Cf. mon Armée d'Arfique, p. 30 et suiv.

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