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bout et décriés comme des brutes. Celui qui a la raison de son côté a des armes bien puissantes pour se rendre maître des esprits; car enfin nous sommes tous raisonnables et essentiellement raisonnables. Et de prétendre se dépouiller de sa raison, comme on se décharge d'un habit de cérémonie, c'est se rendre ridicule et tenter inutilement l'impossible. Aussi, dans le temps que je décidais qu'il ne fallait jamais raisonner en théologie, je sentais bien que j'exigeais des théologiens ce qu'ils ne m'accorderaient jamais. Je comprends maintenant, Théodore, que je donnais dans un excès bien dangereux, et qui ne faisait pas beaucoup d'honneur à notre sainte religion, fondée par la souveraine raison, qui s'est accommodée à nous, afin de nous rendre plus raisonnables. Il vaut mieux s'en tenir au tempérament que vous avez pris, d'appuyer les dogmes sur l'autorité de l'Église, et de chercher des preuves de ces dogmes dans les principes les plus simples et les plus clairs que la raison nous fournisse. Il faut ainsi faire servir la métaphysique à la religion (car de toutes les parties de la philosophie, il n'y a guère que celle-là qui puisse lui être utile), et répandre sur les vérités de la foi cette lumière qui sert à rassurer l'esprit et à le mettre bien d'accord avec le cœur. Nous conserverons par ce moyen la qualité de raisonnables, nonobstant notre obéissance et notre soumission à l'autorité de l'Église. THÉODORE. Demeurez ferme, Ariste, dans cette pensée : toujours soumis à l'autorité de l'Église, toujours prêt de vous rendre à la raison. Mais ne prenez pas les opinions de quelques docteurs, de quelques communautés, et même d'une nation entière, pour des vérités certaines. Ne les condamnez pas non plus trop légèrement. A l'égard des sentiments des philosophes, ne vous y rendez jamais entièrement que lorsque l'évidence vous y oblige et vous y force. Je vous donne cet avis, afin de guérir le mal que je pourrais avoir fait; et que si j'ai eu le malheur de vous proposer comme véritables des sentiments peu certains, vous puissiez en reconnaître la fausseté en suivant ce bon avis, cet avis si nécessaire et que je crains fort d'avoir souvent négligé.

MÉDITATIONS CHRÉTIENNEs.

AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR.

Comme je suis convaincu que le Verbe éternel est la Raison 1 universelle des esprits, et que ce même Verbe, fait chair, est l'auteur et le consommateur de notre foi 2, je crois devoir le faire parler dans ces Méditations comme le véritable Maître 3, qui enseigne tous les hommes par l'autorité de sa parole et par l'évidence de ses lumières. Mais j'appréhende extrêmement de ne pas rendre ses réponses telles que je les reçois et de ne pas même les discerner toujours de mes préjugés, ou de ces sentiments obscurs et confus qu'inspirent les sens, l'imagination et les passions. Je sais que je suis homme, et que si le Verbe, auquel je suis uni comme le reste des intelligences, me parle clairement dans le plus secret de ma raison, j'ai un corps insolent et rebelle que je ne puis faire taire et qui parle souvent plus haut que Dieu mème ; j'ai un corps qui me paraît faire plus de la moitié de mon être : je ne puis séparer mes intérêts des siens. Ses biens et ses maux sont actuellement ma félicité et ma misère. De sorte que je ne puis l'entendre sans émotion, lui imposer silence sans inquiétude, lui contredire sans peine et sans douleur; en un mot, le maltraiter ou le frapper sans me blesser.

Il ne faut donc pas attribuer à notre maître commun toutes les réponses que je donne dans cet ouvrage comme de sa part. Les vérités qui y sont répandues sont de lui, les erreurs sont de moi. Car je ne doute nullement que mon imagination ne m'ait séduit, quelque effort que j'aie fait pour l'obliger à se taire et pour rejeter ses 2. Hæbr. 12, 2.-3. Matth. 23, 10; AUG. de Magistro.

1. Joan. 1, 9.

réponses. Ceux qui aiment uniquement la vérité ne doivent jamais croire personne sur sa parole. Si je leur parle comme de la part du Verbe éternel, ce n'est point que je veuille surprendre leur piété; c'est, encore un coup, que je ne reconnais point d'autre maître que lui et que je n'en veux point proposer d'autres à personne. Que les lecteurs l'interrogent fidèlement, qu'ils écoutent attentivement ses réponses; qu'ils ne se rendent qu'à l'évidence, et ils discerneront assez si c'est un homme trompeur qui leur parle, ou si c'est leur maître qui les instruit. Au reste, je soumets toutes mes réflexions non-seulement à l'autorité de l'Église, qui conserve le sacré dépôt de la tradition, mais encore au jugement des personnes éclairées qui savent mieux que moi consulter la raison et faire taire leurs sens, leur imagination, et leurs passions. Je crois néanmoins devoir avertir que, pour comprendre clairement ces Méditations, il est comme nécessaire d'avoir lu la Recherche de la Vérité, ou du moins de s'appliquer à cette lecture avec une attention sérieuse et sans aucune préoccupation d'esprit. Ces conditions sont un peu dures. Mais comme, je n'ai pas écrit ceci pour toute sorte de personnes, ce ne sont point tant là des conditions que j'exige que des avis nécessaires pour ne pas perdre son temps et condamner la vérité sans l'entendre. Il est permis aux auteurs de supposer pour connues des vérités déjà prouvées. Les jugements peu équitables que quelques personnes ont portés sur le Traité de la Nature et de la Gráce m'obligent à donner encore ici cet avis.

PRIÈRE.

O Sagesse éternelle, je ne suis point ma lumière à moi-même ; et les corps qui m'environnent ne peuvent m'éclairer; les intelligences mêmes, ne contenant point dans leur être la raison qui les rend sages, ne peuvent communiquer cette raison à mon esprit. Vous êtes seule la lumière des anges et des hommes; vous êtes seule la raison universelle des esprits; vous êtes même la sagesse du Père, sagesse éternelle, immuable, nécessaire, qui rendez sages les créatures et même le Créateur, quoique d'une manière bien différente. O mon véritable et unique maître, montrez-vous à moi, faites-moi voir la lumière en votre lumière. Je ne m'adresse qu'à vous; je ne veux consulter que vous. Parlez, Verbe éternel, parole du Père, parole qui a toujours été dite, qui se dit, et qui se dira toujours; parlez, et parlez assez haut pour vous faire entendre malgré le bruit confus que mes sens et mes passions excitent sans cesse dans mon esprit.

Mais, ò Jésus, je vous prie de ne parler en moi que pour votre gloire, et de ne me faire connaître que vos grandeurs; car tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu même sont renfermés en vous 2. Celui qui vous connaît connaît votre Père 3, et celui qui vous connaît et votre Père est parfaitement heureux. Faites-moi donc connnaître, ô Jésus, ce que vous êtes, et comment toutes choses subsistent en vous 4. Pénétrez mon esprit de l'éclat de votre lumière; brûlez mon cœur de l'ardeur de votre amour et donnez-moi dans le cours de cet ouvrage, que je compose uniquement pour votre gloire, des expressions claires et véritables, vives et animées, en un mot dignes de vous, et telles qu'elles puissent augmenter en moi, et dans ceux qui voudront bien méditer avec moi, la connaissance de vos grandeurs et le sentiment de vos bienfaits.

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2. Col. 2. 3. 3. Joan. 14, 9, et 17, 3. -4. Col. 1, 16, 17, 18,

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MÉDITATIONS.

PREMIÈRE MÉDITATION.

Les corps ne nous éclairent pas, et nous ne sommes point à nous-mêmes notre raison et notre lumière.

4. Il me semble que le plus grand bien que je possède présentement, c'est ma raison, et que si j'étais à moi-même la cause de mes lumières et de mes connaissances, je serais en même temps la cause de la perfection de mon être. Je pourrais même être la cause de ma félicité car comme c'est le plaisir et la joie qui me rendent heureux et content, je trouve tant de satisfaction lorsque la lumière de la vérité se répand dans mon esprit, que celui qui m'éclaire est celui-là même qui me rend heureux.

2. Je sens que la lumière se répand dans mon esprit à proportion que je le désire. et que je fais pour cela un certain effort que j'appelle attention. Cet effort, qui certainement est de moi, est donc cause de la production de mes idées ainsi je suis à moi-même ma raison et ma lumière. Et puisque les nouvelles découvertes produisent en moi du plaisir et de la joie, je suis la véritable cause de ma perfection et de mon bonheur.

:

3. Mais prends garde, mon esprit, ne te trompes-tu point? La lumière se répand en toi, lorsque tu le désires, et tu en conclus que tu la produis. Mais penses-tu que tes souhaits soient capables de produire quelque chose? Le vois-tu clairement? Y a-t-il une liaison nécessaire entre tes désirs et leur accomplissement?

4. Tu cours un peu trop vite. Il y a peut-être un soleil pour les esprits, comme tu en vois un pour les corps. Il y a peut-être une lumière et une sagesse éternelle, une raison universelle, immuable, nécessaire, qui éclaire tous les hommes et qui les rend raisonnables. Si c'était une telle lumière qui t'éclairât, si celui qui renferme les idées de tous les êtres t'aimait tant que de se vouloir bien communiquer à toi à proportion de tes désirs, ne serais-tu pas bien misérable de tirer de sa bonté des raisons de ton ingratitude? Ne serais-tu pas bien déraisonnable de juger que tes souhaits sont la cause véritable de tes lumières, à cause de la fidélité et de 1. Sap. 5, 6. -2. Joan. 1, 9.

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