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plus ses admirateurs se montraient déraisonnables à réclamer pour lui la primauté d'origine. Pezron et Pelloutier prirent chaleureusement le parti du bas-breton; plus d'un écrivain du nord de l'Espagne s'escrima bravement en faveur du basque, et Goropius Becanus, qui engendra bientôt Schrickius, plaida avec une étrange originalité la cause du Flamand (1).

Les prédicateurs du faux et du bizarre trouvent des enthousiastes et des imitateurs aussi souvent au moins que les apôtres de la vérité et de la raison. La secte des linguistes excentriques pullula, elle conserva des adeptes, même alors que la science était entrée dans une voie meilleure, et des propagateurs de l'absurde débitaient encore leurs rêveries à la fin du siècle dernier et au commencement ce celui-ci. Tel fut, en France, Court de Gébelin (2); tel fut, dans le même pays, Latour d'Auvergne, le premier grenadier, qui, particularité peu connue aujourd'hui, déploya autant d'intrépidité à défendre les idées des Pezron et des Pelloutier que le drapeau de la république une et indivisible; et en 1807, l'académie celtique lança un écrit où elle annonce que son but, entre autres projets philologiques gigantesques, est d'étudier l'étymologie de toutes les langues de l'Europe, (pourquoi pas du monde?) à l'aide du celto-breton, du gallois et de la langue erse. Dans les provinces basques, l'amour de la langue maternelle arma toute une cohorte de nouveaux chevaliers, à la tête desquels il faut placer don Thomas de Sorreguieta, don Pedro de Astarloa et J.-B. Erro, qui depuis devint ministre (3). Enfin, dans notre Belgique, le gantois De Grave continua les errements des van der Beken et des van Schrieck (4).

(4) Origines Antverpianæ. Anvers, 1569. Jean Goropius Becanus était médecin à Anvers.

Opera hactenus non edita.

Adrianus Schrickius ou van Schrieck, seigneur de Roodoorn, naquit à Bruges en 1560 et mourut à Ypres en 1624. Son Principal ouvrage porte le titre de Origines rerum celticarum.

(2) Monde primitif. Paris, 1781.

(3) D. Th. de Sorreguieta, La semaine espagnole-basque, la seule en Europe et la plus ancienne du monde. Madrid, 1804. D. P. de Astarloa, apologie de la langue basque, ou essai sur sa perfection et son antiquité sur toutes les langues connues. Madrid, 1803. — J.-B. Erro, El Alfabeto primitivo. Madrid, 1806.

(4) La république des Champs-Elysées, ou monde ancien, ouvrage dans lequel on démontre principalement que les Champs-Elysées et l'enfer des

Les moyens scientifiques de ces honnêtes étymologistes répondaient au but, c'est-à-dire que leur méthode était essentiellement erronée et vicieuse. On entrevoyait confusément quelques ressemblances entre deux langues, et aussitôt on en concluait que l'une d'elles était la mère, l'autre la fille. On n'admettait pour les idiomes que la descendance en ligne directe; la descendance collatérale n'était pas même soupçonnée. Ainsi la langue grecque, par exemple, était fille du flamand, du celtique ou de tel autre idiome, suivant les prédilections nationales de l'auteur qui traçait la généalogie. Puis, dans le choix de mots qu'on examinait point de marche rationnelle, aucune règle sûre et avouée par le bon sens ; on s'abandonnait aux caprices les plus extravagants, aux plus folles témérités de l'imagination. Au lieu de préférer, pour termes de comparaison, de ces vocables qui exprimant des objets naturels, des idées simples et les premiers besoins de l'homme, touchent nécessairement au berceau du langage, on prenait au hasard des mots d'une civilisation plus avancée, des termes d'art, de science et de commerce, de ceux que les nations peuvent se communiquer par leurs relations subséquentes. Ensuite, ce qui est moins concluant encore, on mettait en parallèle des mots que ne saurait unir aucun lien de sens général ou spécial. On se contentait le plus souvent d'une similitude fortuite de lettres ou de syllabes: point de comparaison d'éléments homogènes; de comparaison, on n'en voulait pas : de l'étymologie, rien que de l'étymologie, et cela d'ordinaire pour rapprocher des choses entre lesquelles il y a répulsion naturelle et invincible.

Qui n'a pas entendu parler des étymologies saugrenues de ces songe-creux ?

Pour les partisans de la primauté de l'allemand ou du flamand, le mot grec stoma, bouche, descend en ligne droite de stumm ou stom, muet. Il est vrai qu'entre bouche et muet le rapport désirable n'apparaît pas suffisamment; mais ils se tirent de cette difficulté en citant astomos, qui, lui aussi, signifie muet; peu importe à leurs yeux la différence de la petite lettre a. Or, cette petite lettre est précisément le signe de la négation ou de la privation, et astomos, littéralement traduit, ne veut dire autre chose que sans bouche! De même, pour les défenseurs des prérogatives de l'hébreu, asylon anciens sont le nom d'une ancienne république d'hommes justes et religieux, située à l'extrémité septentrionale de la Gaule, et surtout dans les îles du Bas-Rhin etc. Gand, 1806.

est évidemment formé de ashl, un chêne; tandis que le moins avancé des écoliers décomposera ce mot par le grec même : a privatif et sylao, enlever, arracher, c'est-à-dire d'où l'on ne peut arracher, inviolable. Adam et Eva sont des noms purement flamands, comme le prouve victorieusement l'ingénieux Becanus : A-dam, c'est bien haetdam, ou digue opposée à la haine du serpent, et E-va n'est autre chose que eedvat, ce qui veut dire, comme chacun sait, cuve ou réceptacle du serment ou de la promesse d'un rédempteur. Schrickius nous révèle que le nom propre Japhet se décompose très bien en I-aph-heit, de afheit (de afdaling, la descente), à quo descendunt omnes, et de Grave affirme que Flessingue a été bâti par Ulysse. Vlissingen n'est-ce pas absolument la même chose que Ulyssingen, la ville d'Ulysse ? Ceci pourtant est la moins curieuse de ses inventions : il est bien plus amusant lorsqu'il fait du personnage mythologique Caron un batelier belge, et octroie libéralement au Dieu grec un nom flamand, qui explique ses fonctions de nautonnier ou passeur de cadavres : ce nom, selon lui, c'est karonje, (charogne), mot dont l'extraction flamande est pourtant passablement douteuse. Ces intrépides dissecteurs de vocables ne sont jamais embarrassés. A l'érudit Pelloutier, qui fait du bas-breton caled, dur, le père de l'allemand kalt, froid, si vous demandez: mais quel rapport entre dur et froid? il vous répondra sur le champ: rien de plus simple: dur et durci par le froid. N'allez pas objecter contre le système de Becanus la présence simultanée dans un grand nombre de langues de mots tels que sac, par exemple (1); il vous fermerait la bouche en vous contant la plus jolie des anecdotes philologiques. A la dispersion du genre humain, vous dirait-il, au pied de la tour de Babel, chacun se mit à crier après son sac, cette pièce indispensable dans tout long voyage. Il est donc tout naturel que personne n'ait pas plus oublié le nom de la chose que la chose elle-même. Cette drôlerie du médecin-philologue est devenue célèbre.

Et cependant les auteurs qui ont écrit ces incroyables puérilités n'étaient pas des ignorants; non, tous au contraire avaient par de longues études amassé de vastes connaissances mais l'esprit de système faussait leur jugement, et tous ont déplorablement

(1) On le trouve, sous des formes très peu différentes, dans toutes les langues indo-européennes ainsi que dans le sémitique.

dépensé une riche érudition à bâtir ou à étayer d'absurdes théories. Cependant, tout dans leurs travaux n'a pas été perdu pour la postérité sur la route ténébreuse où ils poursuivaient des fantômes ils ont rencontré certaines vérités que leurs successeurs ont pu mettre à profit. En cela, la fausse linguistique à eu le sort de l'alchimie, dont les adeptes, tout en se vouant au vain labeur de la recherche de la pierre philosophale, ont fait quelques découvertes dont se sont enrichies les sciences physiques.

C'est ainsi que notre Juste-Lipse, qui d'ailleurs ne se livra jamais aux débauches d'érudition de ses contemporains, découvrit et signala dès le commencement du 17me siècle, vers 1602, l'affinité qui existe entre le persan et les langues teutoniques (1). Seulement il ne sut pas rendre compte du phénomène : l'état de la science à cette époque ne le permettait pas.

Quoi qu'il en soit, les étranges élucubrations de la plupart des étymologistes d'alors ont jeté sur la linguistique un long discrédit, et sur leur personne un ridicule ineffaçable. Les préventions qui en sont nées ont été lentes à se dissiper. Il n'y a pas plus d'un quart de siècle, la sérieuse, la savante Allemagne, elle qui avait déjà tant fait pour réhabiliter la science déconsidérée, vit éclore dans son sein un spirituel écrit tout rempli de fines railleries dirigées contre son étude favorite et dont le titre seul annonce les intentions satiriques : Von der Glückseeligkeit der Wortforscher, de la béatitude des explorateurs de mots (étymologistes). Et aujourd'hui même, dans certains pays, comme la France et la Belgique, beaucoup de personnes, quand on les entretient de linguistique, ne savent que vous répéter en souriant une vieille boutade, qui est de Voltaire, croyons-nous, et où l'on compare les systèmes étymologiques aux sons des cloches à qui l'on fait dire tout ce qu'on veut.

L'ancienne école, arrivée à l'absurde, tomba donc étouffée sous le ridicule. Les études linguistiques prirent une autre direction avec d'autres allures. L'inutile recherche d'une langue primitive fut abandonnée; on adopta une méthode plus sage renonçant à la manie d'une étymologie étroite, fantasque et fausse, on procéda par voie de comparaison véritable et le choix des mots sur lesquels on opéra devint plus judicieux. Auparavant on avait fait de la

(1) Epistolæ ad Belgas.

théorie, sans base dans la réalité des choses; maintenant on se livra à l'observation des faits avant de bâtir des systèmes. Les collections indispensables à la philologie comparative furent commencées; pour les augmenter, on eut recours à ce qu'avaient laissé dans ce genre les écrivains précédents et on mit à contribution les listes de mots étrangers dressés par les voyageurs et les missionnaires.

A cette révolution régénératrice se rattache le grand nom de Leibnitz. Du haut de son génie, le philosophe allemand imprima à la science une direction nouvelle. C'est lui qui montra à ses contemporains le but de la saine philologie, comme il leur en indiqua les conditions et les procédés. Lui-même prêcha heureusement et utilement d'exemple.

Les langues furent de plus en plus fouillées et comparées; les matériaux se multiplièrent, et des collections surpassant en étendue et en importance tout ce que l'on connaissait jusqu'alors, parurent dans divers pays de l'Europe. Les grandes séries, en plusieurs centaines d'idiomes, de l'oraison dominicale par Wilkins et Chamberlayne furent publiées à Amsterdam (1); le jésuite espagnol Hervas fit successivement imprimer à Césène d'immenses matériaux, qui embrassent presque toutes les langues du globe, et St-Pétersbourg vit paraître, sous le patronage de Cathérine II et même avec sa coopération personnelle, des tables comparatives de langues, dont la grande impératrice avait tracé le plan et élaboré elle-même les premiers éléments (2).

Néanmoins, malgré ses progrès incontestables, la linguistique ne donnait pas de résultat certain et général. La lumière ne brillait pas encore sur le cahos des matériaux amoncelés; pour coordonner et appliquer utilement les données partielles qu'on avait obtenues, il manquait un lien commun, un fait explicatif des autres. On continua à tâtonner dans un reste d'obscurité jusque vers la fin du 18me siècle. Mais alors le rayon désiré vint luire

(1) Oratio dominica in diversis omnium fere gentium linguis versa, editore S. Chamberleynio. Amsterdam, 1715.

(2) Linguarum totius orbis vocabularia comparativa, Augustissimæ curâ collecta. Les deux premiers volumes, contenant les langues de l'Europe et de l'Asie ont paru à St-Pétersbourg en 1787 et 1789; le troisième n'a jamais été publié; mais une seconde édition achevée en 1794 comprend les dialectes de l'Afrique,

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