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tout-à-coup les conquêtes des Anglais dans l'Inde avaient attiré sur le sanskrit l'attention des savants de la Grande-Bretagne.

Cette langue, dont les premiers monuments écrits remontent à trente-trois siècles, a eu une destinée assez semblable à celle d'une de ses filles, la langue de l'ancienne Rome. Comme le latin, le sanskrit est depuis longtemps une langue morte, et, comme lui, il n'a pas cessé de servir de langue sacrée à des populations nombreuses; comme lui encore et bien plus que lui, il a donné le jour à beaucoup d'autres idiomes; enfin, toujours comme la langue du Latium, il a laissé une foule de documents d'une grande valeur littéraire et qui permettent de le soumettre à une étude philologique approfondie.

Cet antique idiome se parlait jadis dans tout l'Indostan, depuis le golfe du Bengale jusqu'à la mer d'Arabie, et depuis l'extrémité méridionale du pays jusqu'aux montagnes Himalaya au nord. Le sanskrit est bien supérieur au latin, et plus parfait encore que le grec de toutes les langues connues, c'est la plus flexible, la plus composée et la plus complète. Elle se prête à une analyse pour ainsi dire microscopique : tous ses mots dérivés se ramènent faci– lement et clairement à leurs racines premières, qui existent dans la langue elle-même.

Or, pour les premiers linguistes à qui fut révélée l'existence du merveilleux idiome, ce ne fut pas un médiocre sujet de surprise et de joie de découvrir que le sanskrit était l'origine, non seulement des idiomes modernes de l'Inde et de l'ancien persan, mais aussi qu'il était la souche d'où s'étaient formées toutes les grandes branches du langage européen, le grec, le latin et le teutonique avec toutes leurs ramifications, ainsi que le celtique et le slave, avec leurs affiliations diverses. Dès lors, la révolution linguistique fut consommée, et la science s'est depuis trouvée portée sur un terrain solide, voie large et féconde par laquelle bientôt elle a marché à de grandes et magnifiques conquêtes.

Des savants de presque toutes les parties de l'Europe, et particulièrement de l'Allemagne, s'associèrent, pour l'étude comparée du sanskrit, aux travaux de la société asiatique de Calcutta et d'autres linguistes anglais. L'unité originaire de toutes les langues de l'Europe fut établie avec une entière évidence, sauf deux idiomes, d'un domaine géographique peu étendu, le finnois et le basque, qui ont été reconnus ne point se rattacher à la langue de l'Inde.

En même temps que les limites de la haute linguistique, furent reculées prodigieusement les bornes de l'éthnographie, science née avec elle et dont désormais elle est inséparable. Les vagues traditions conservées des temps anté-historiques, les données incertaines des écrivains de l'antiquité et les timides conjectures de la littérature moderne sur l'origine asiatique des peuples européens reçurent une éclatante confirmation et, quant aux faits généraux, acquirent un caractère de certitude absolue. Ainsi la linguistique retrouve les traces effacées de la grande famille iranienne, scytique ou sanskrite; elle va la prendre à son berceau, dans sa patrie primitive qui s'étendait depuis la Paropamise jusqu'aux sources du Tobol, depuis la mer Caspienne jusqu'à l'Altai et la chaîne du Bolor; elle la suit dans ses vastes émigrations et nous la montre occupant non seulement la Perse, l'Arménie, la Médie et l'Indostan, mais couvrant de ses peuplades tout le sol de l'Europe, qui ne fait que continuer le territoire de l'Asie.

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L'hypothèse de la descendance collatérale des langues, dont auparavant on ne faisait que soupçonner la réalité, ayant été ainsi heureusement vérifiée à l'aide du sanskrit sur l'ensemble des pes européens, on se trouva puissamment encouragé à en poursuivre le développement dans le classement de toutes les autres langues connues. On le fit avec empressement et persévérance, et voici, très succinctement résumé, le résultat auquel aboutirent ces immenses recherches du savoir et de la patience; nos lecteurs comprennent que nous devons renoncer à le faire connaître dans ses détails et que nous ne pouvons consacrer que quelques lignes à le présenter dans son expression la plus générale : le nombre des langues-mères ou indépendantes, qu'autrefois et naguère encore on avait singulièrement exagéré (on en avait compté plus de 70), fut excessivement réduit: on prouva que toutes les langues du globe se ramenaient à cinq ou six classes, premières et grandes divisions sous lesquelles venait se ranger, par genres ou par espèces, la totalité des autres idiomes. Le nombre des races crues d'abord primitives ou aborigènes fut restreint dans la même proportion, et, guidé par le fil conducteur de l'affinité du langage, on constata que des peuples vivant aujourd'hui dispersés sous les latitudes les plus diverses, et devenus étrangers les uns aux autres par les mœurs, la religion et les institutions politiques, appartenaient pourtant originairement à l'une des grandes races conquéran

tes ou émigrantes qui, au nombre de quatre ou cinq, avaient, dans des temps reculés, subjugué ou peuplé paisiblement toutes les contrées de la terre. Les vœux de Leibnitz étaient exaucés et la plupart de ses prédictions, accomplies.

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Ajoutons que les caractères de ces quelques grandes familles du langage humain ont été bien définis, et que les limites qui les séparent sont aujourd'hui nettement tracées. Il en résulte qu'il paraît difficile d'y découvrir encore des points de contact suffisants qui, comme un lien commun, puissent unir entre elles les classes que la science présente comme distinctes et isolées. Certains linguistes l'ont tenté cependant; car si la recherche d'une langue primitive est définitivement abandonnée, il ne manque pas d'auteurs qui persistent à croire à la préexistence d'une langue unique, type à jamais perdu, mais dont tous les autres idiomes doivent reproduire, bien que plus ou moins affaiblis, quelques traits indélébiles. Ces essais n'ont pas jusqu'ici fourni des preuves aussi concluantes que les autres travaux de la linguistique moderne. A la vérité, il n'y a peut-être pas deux langues, n'importe dans quelles familles différentes on les choisisse, qui n'offrent certaines affinités verbales, mais ces mots qui leur sont communs font partie intégrante de l'un des idiomes et se rattachent à ses racines, tandis que dans l'autre ils ne sont en quelque sorte que superposés. La coexistence d'un certain nombre de mots similaires de cette nature prouve bien mieux le mélange de deux peuples ou leurs relations subséquentes qu'une communauté de race et de langage. Les écrivains partisans de l'affinité universelle des langues n'accusent souvent eux-mêmes que des résultats restreints, obtenus par leurs recherches comparatives. Ainsi, Lepsius, qui a écrit pour établir une connexion entre le sanskrit et l'hébreu, se résume en donnant comme certaine « l'existence dans les deux langues d'un germe commun quoique non développé. » (1).

Tout ce qui précède s'applique plus spécialement aux langues de l'ancien monde; pour ce qui est des langues américaines en particulier, on remarque leur extrême multiplicité (2), le peu d'af

(1) Palæographie, als Mittel für die Sprachforschung zunachst am Sanskrit nachgewiesen.

(2) Ce qu'on rapporte du grand nombre des langues de l'Amérique surpasse la croyance : quelques auteurs, parmi lesquels Hervas, les évaluent à quinze cents idiomes, notabilmente diversi, selon l'expression de ce dernier.

finité qu'elles ont entre elles et la presque impossibilité de les rallier à l'une ou à quelques-unes des langues de l'hémisphère oriental.

Voici comment ce dernier point est exposé par un écrivain célèbre; nous reproduisons ces paroles, d'abord parce qu'elles émanent d'une autorité imposante, ensuite parce qu'elles peuvent donner une idée des immenses travaux accomplis de nos jours par la linguistique régénérée :

<< Des recherches faites avec la plus scrupuleuse exactitude, en suivant une méthode qui n'avait pas encore été employée dans l'étude de l'étymologie, ont prouvé l'existence de quelques mots communs aux vocabulaires des deux continents. Dans quatre-vingttrois langues américaines examinées par Barton et Vater, on trouve cent soixante-dix mots dont les racines paraissent les mêmes; et il est facile de voir que cette analogie ne peut être accidentelle, puisqu'elle ne repose pas purement sur l'harmonie imitative, ou sur cette conformité d'organes qui produit une identité presque parfaite dans les premiers sons articulés par les enfants. Des cent soixante-dix mots qui ont cette analogie, trois cinquièmes ressemblent au mantchou, au tongouse, au mongol et au samoyède, et deux cinquièmes se retrouvent dans les langues celtique et tchoude, biscayenne, copte et congo. Ces mots ont été trouvés en comparant la totalité des langues américaines avec la totalité de celles de l'ancien monde; car jusqu'à présent nous ne connaissons aucun idiome américain qui paraisse avoir une correspondance exclusive avec aucune des langues de l'Asie, de l'Afrique ou de l'Europe. » (1).

D'un autre côté, si la connexion vocabulique manque aux langues américaines, elles sont liées entre elles par certaines conformités grammaticales assez surprenantes, celle, entre autres, qui consiste à modifier, par la conjugaison, la signification et les rapports des verbes au moyen de l'insertion de syllabes, forme que G. de Humboldt appelle l'agglutination et qui est commune à toutes les langues de l'Amérique. Cette particularité suffit pour faire conclure à quelques éthnographes à une origine commune de toutes les nations et de toutes les langues de cette partie du monde ; car la linguistique se partage en deux écoles, l'une, celle qui compte le plus d'adhérents, accorde le plus de valeur, dans la

(4) Alex. de Humboldt, Vue des Cordillières.

vérification de la parenté des langues, à la ressemblance des mots, l'autre, moins nombreuse, mais pouvant citer quelques noms illustres, regarde comme essentielle l'analogie des formes de grammaire. Quelques écrivains appellent respectivement ces deux méthodes comparaison lexique et comparaison grammaticale (4).

Revenons à la famille des langues indo-européennes.

A la tête de ces langues se place naturellement le sanskrit, source commune à laquelle ont puisé tous les membres de la famille.

Le sanskrit, d'où se sont formés tous les dialectes vulgaires parlés aujourd'hui dans l'Inde (l'indoustani, le bengali, l'idiome de Cachemire, le malabare, etc.,) a donc produit aussi, outre le persan, toutes les langues principales de l'Europe avec les nombreux rameaux qui s'y rattachent. Cependant tous ces idiomes européens ne se composent pas exclusivement d'éléments sanskrits; dans tous, il est vrai, ces éléments prédominent, mais à tous aussi un autre ingrédient se mêle à doses plus ou moins abondantes. De là, avec quelques ressemblances, ces différences tranchées qu'ont fini par offrir, dans leurs transformations successives, les quatre grandes langues européennes, qui, si elles avaient commencé par être homogènes, ne différeraient pas davantage aujourd'hui entre elles que ne diffèrent, par exemple, entre eux les divers idiomes du groupe teuton. Mais d'où est provenu le mélange? Cette question ardue et pour la solution de laquelle il n'existe aucune donnée historique, ne peut être éclaircie que conjecturalement. Il faut supposer que les immigrations asiatiques, à quelque haute antiquité qu'elles remontent, n'ont pas trouvé une Europe déserte; que notre continent, peuplé du moins en partie, a été occupé par les envahisseurs iraniens d'une manière violente, que ceux-ci ont procédé par voie d'extermination ou d'expulsion et que les débris des populations aborigènes, abandonnant les régions centrales aux colons conquérants, se sont réfugiés vers les points extrêmes, dans des retraites d'un difficile accès, au fond de pays entrecoupés de marais, dans des contrées rocheuses et montagneuses. Là, leurs langues auraient survécu et se seraient de nouveau infiltrées insensiblement dans les pays d'où elles avaient dû s'exiler. Mais ces langues, quelles sont-elles? Le finnois et le basque, probable

(4) Wiseman, Discours, etc.

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