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ment aux institutions civiles et politiques des Romains; appliquons-la à la langue latine, et la clef de ce que nous cherchons sera trouvée. Les Barbares, devenus maîtres des Gaules, loin d'essayer d'imposer leur langue au peuple vaincu, s'efforcèrent de s'approprier la langue de ceux qui avaient été les dominateurs du monde. Ils s'essayèrent donc à parler latin, et, dans cette tentative, ils apportèrent beaucoup de bonne volonté, sans doute; mais cette bonne volonté ne suffit pas, et leurs efforts n'aboutirent qu'à altérer le langage qu'ils prétendaient s'assimiler. Le génie de leur langue d'adoption différait trop radicalement de celui de leur idiome natal. Ils parlèrent latin, mais tout en continuant à penser en teuton; leurs mots étaient de Rome, leurs phrases ne l'étaient pas ; c'était du latin grossièrement et violemment jeté dans le moule germain. - Essayons de préciser par des exemples ce que cette assertion a de trop vague.

Le latin, comme le grec, indique par des terminaisons les rapports logiques des mots; l'ancien teuton, dans toutes ses branches, plus riche en flexions que ses rameaux modernes, se rapprochait un peu à cet égard des langues classiques, mais il en restait encore à une distance considérable; il faisait un emploi plus fréquent des pronoms et des particules en général; il exprimait par des auxiliaires, les temps passés, le futur du verbe actif, tous les temps de la voie passive (1). Or, ce sont ces différences fondamentales qui reparaissent encore visiblement dans le français. Les particules, les auxiliaires y abondent : tous ces petits mots sont presque tous latins encore par la forme, mais ils ont un autre emploi, ils servent de traduction littérale à des phrases qui sont d'une autre langue : une (una) conjuration de (de) peuples, conjuratio populorum; il (ille) va à (ad) Rome, tendit Romam; elle (illa) est (est) aimée, (amatur); nous (nos) avons (habemus) triomphé, (triumphavimus); les matériaux sont les mêmes, mais la façon est différente, elle est donnée par des ouvriers inhabiles et qui ont empreinte dans l'esprit l'image d'un autre modèle. Analysez toute la langue française, et vous la trouverez faite ainsi dans la plupart de ses éléments: vocables latins en grande majorité, mais presque

(1) Il y a, il est vrai, des exceptions à faire pour le gothique; mais ces exceptions ne se reproduisent pas dans le dialecte franc, passablement éloigné du gothique, qui, par quelques caractères particuliers, se distingue de toutes les autres branches du teuton.

toujours structure germanique. Les barbares réussissent à reproduire par la flexion le futur actif du latin, amabo, j'aimerai ; c'est leur suprême effort; leur intelligence ne saurait saisir un rapport plus compliqué exprimé par une seule lettre de plus, amabor : ils disent je serai aimé, manière plus rapprochée de celle qui leur était familière. La nuance devient-elle plus subtile et plus complexe encore, ils rendront deux mots par toute une longue phrase; ils traduiront laudatis laudandis par ayant loué ce qui doit être loué, ou bien, après avoir loué, etc.

N'est-ce pas là, ainsi que nous voulions le faire comprendre, le langage d'un peuple volontairement imitateur ?

Du reste, nous ne prétendons pas donner cet esprit d'imitation comme la cause unique de la prédominance du latin dans la langue française, mais seulement comme la cause principale. Et ce qui nous raffermit dans notre opinion, c'est le spectacle étrange que nous offre l'histoire, mieux étudiée et mieux comprise de nos jours, de la conquête des Gaules; c'est la vue de ces guerriers teutons si prompts, sous tant d'autres rapports, à se laisser absorber par l'élément gallo-romain, vainqueurs tout disposés à raviver et à subir l'influence morale des vaincus (4). Toutefois, comme nous le disions, il est d'autres circonstances accessoires dont il faut tenir compte.

Telles sont, par exemple, l'invasion du pays accomplie sans grande effusion de sang et sans bouleversement général; la population conquérante numériquement faible, eu égard à celle des contrées conquises; la conversion des Francs au christianisme et l'ascendant d'un clergé conservateur et propagateur du latin. Ajoutons les nombreuses alliances matrimoniales des vainqueurs avec des femmes indigènes, dont la langue des Romains était devenue la langue maternelle; car pour la transmission d'un idiome aux enfants, comme pour tout ce qui doit inculquer l'éducation, rien de plus puissant que l'exemple et l'influence de tous les instants de la mère de famille, principalement chez un peuple belliqueux, dont les guerres arrachent fréquemment les hommes à leurs foyers.

(1) Cette nouvelle manière d'envisager une question historique importante est ingénieusement développée dans un intéressant écrit qui vient d'être publié en Belgique : La barbarie franke et la civilisation romaine, études historiques, par P.-A.-F. Gérard. - Bruxelles, librairie polytechnique d'Aug. Decq.

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C'est ainsi que dans la Normandie, cédée à des pirates qui ne traînaient guère de femmes à leur suite, et qui presque tous épousèrent des filles du pays, on vit la langue scandinave s'éteindre complètement dès la troisième génération, à l'exception de la ville de Bayeux, où antérieurement une immigration danoise avait eu lieu par familles entières, hommes, femmes et enfants.

Dans la formation du franco-roman nous n'avons pas mentionné spécialement le concours de la langue celtique : c'est que cet idiome, déjà détrôné en grande partie par le latin, n'a exercé sur cette formation qu'une influence restreinte. En effet, on ne peut pas, selon nous, évaluer à plus d'un dixième les mots que le celtique a laissés dans le vocabulaire français. Quant aux termes tirés directement du grec, ils ne datent pas de la naissance de la langue nouvelle : c'est une importation des savants des temps plus modernes.

Ce que nous disions au sujet de la formation du français peut s'appliquer, presque sans restriction, aux autres langues néo-latines, l'italien, l'espagnol et le portugais.

Nous arrivons aux langues celtiques, pour lesquelles nous devrons nous borner à un petit nombre de remarques succinctes.

Le celtique, qui était jadis la langue de la plus grande partie de la France actuelle, ne s'est conservé que dans l'Armorique, aujourd'hui la Basse-Bretagne; mais il a régné sur toute l'étendue des trois grands pays qui ont formé depuis le royaume-uni d'Angleterre, et s'y est maintenu dans plusieurs contrées.

Le celtique se divise en deux branches bien distinctes et qui forment, pour ainsi dire, deux langues séparées : la branche gaëlique, qui comprend l'irlandais et l'erse; la branche cymrique à laquelle se rapportent le gallois, le bas-breton et le cornique (1).

L'irlandais, dont il reste beaucoup de monuments littéraires qui vont du 6me au 10me siècle, se parle encore, mais plus ou moins décomposé, dans les campagnes d'Irlande.

L'erse (corruption de irish) est la langue des montagnards de l'Ecosse. Ses monuments sont en moins grand nombre; le plus remarquable est le recueil de poésies traditionnelles publiées sous

(1) On rattache au gaëlique le manx, ou le dialecte corrompu et mêlé de scandinave qui se parle dans l'île de Man. Le cornique, dialecte actuellement éteint, du pays de Cornouailles, se rapproche beaucoup du gallois.

le nom d'Ossian, et dont l'authenticité est restée un objet de doute parmi les savants.

Le gallois, ou la langue du pays de Galles, offre, comme l'irlandais, des productions littéraires anciennes et nombreuses. Il en existe une collection fort intéressante, publiée en 1804, sous le titre d'Archeology of Wales.

Le bas-breton, pour lequel il a été réuni des matériaux de grammaire et de lexicographie assez abondants, est cet idiome qui a servi à élever les singuliers systèmes que nous avons salués en riant.

Les divers dialectes des deux branches n'ont d'autres éléments communs avec le teuton que ceux qu'ils ont conservés, toutefois en les transformant considérablement, de la souche première, l'ancien indien, plus quelques mots d'intromission plus moderne, et qui sont dus au contact avec les peuples anglo-saxons (1). Une erreur répétée par des auteurs graves et accréditée en Belgique est celle qui consiste à regarder le cymrique comme particulièrement mêlé de teuton. Cette opinion erronée s'appuie sur le fait historique qu'une partie de la Grande-Bretagne a été peuplée par des Belges et sur la ressemblance trompeuse des mots de Cymry et de Cimbres. Or, l'occupation d'une partie des côtes de l'Angleterre par des Belges a eu lieu (ce point est bien établi aujourd'hui) avant l'irruption des peuplades germaniques dans les provinces cis-rhénanes, c'est-à-dire par des Belges parlant un dialecte celtique; et quant au nom de Cymry (pr. Kimri) il n'a en réalité rien de commun avec celui des Cimbres de la Germanie: c'est un mot d'une origine toute celtique et qui ne fut employé comme nom de peuple que longtemps après la disparution des fameux alliés des Teutons (2).

Jusqu'à ces derniers temps on avait contesté aux langues celtiques leur parenté avec le sanskrit, mais des travaux récents ont

(4) Comme toutes les filles non abâtardies du sanskrit, le celtique possède la belle faculté de combiner ses mots d'une manière presque illimitée. Lorsque ces combinaisons se font avec des racines similaires au teuton, alors la ressemblance entre les deux langues devient assez grande. Dans le gallois, par exemple, on trouve la jolie expression de mor-dwyaw (mer-dompter), pour dire naviguer. Dans mor on reconnaît facilement notre meer, lac, Al. meer, mer, et dans dwyow, dwingen, forcer, dompter, Al. zwingen. (2) Cymry ou Cynmry, composé de cyn, premier et bro, pays, signifie le pricipal pays de la confédération bretonne.

prouvé à l'évidence que ces idiomes doivent à leur tour étre rangés dans la grande famille indo-européenne (1).

On a longtemps aussi élevé des doutes sur l'identité de la langue de l'ancienne Gaule avec celles qui survivent dans la BasseBretagne et dans quelques provinces d'Angleterre; mais ils ont été également dissipés par la linguistique moderne, qui, entre autres preuves, invoque ce fait décisif que soixante mots cités par Hésychius comme appartenant à l'idiome des Gallates (colonie gauloise) ont tous été retrouvés dans les divers dialectes celtiques encore existants, particulièrement dans le kymri.

Des antiquaires belges, hommes fort savants d'ailleurs, mais dont les connaissances linguistiques n'allaient pas jusqu'à distinguer le gaulois ou celtique d'avec le teuton ou même d'avec le vieux français, ont cru retrouver un débris de la langue celtique dans le wallon. C'est à M. Raepsaet que revient l'honneur de cette découverte. D'après lui, César, après avoir exterminé, non-seulement les Eburons, mais aussi les Nerviens et les Aduatiques, aurait repeuplé leur pays, correspondant à peu près aux provinces wallonnes (Hainaut, Namur et Liége) de colonies gauloises, qui ont dû, dit-il, y porter leur langue et leurs patois différents (2).

Cette translation de colonies gauloises dans la Belgique est un fait purement conjectural, et qu'aucune donnée historique ne vient corroborer. Cela ne l'a pas empêché de faire fortune, et des livres élémentaires continuent à en propager la croyance dans nos écoles (3). Cependant il y a déjà une quinzaine d'années que M. Schayes, réfutant l'opinion de M. Raepsaet, a parfaitement établi, par les commentaires mêmes de César et d'autres témoignages historiques, la fausseté de l'extermination des Nerviens et des Aduatiques et la haute invraisemblance d'un repeuplement par des colonies gauloises (4).

(1) Eastern origin of the Celtic nation, par le docteur Prichar. Oxford, 1831. De l'affinité des langues celtiques avec le sanskrit, par Adolphe Pictet. Mémoire couronné par l'institut. Paris, 4837.

(2) Analyse des droits politiques et civils des Belges et des Gaulois. Gand, 4825.

(3) Entreautres, l'Histoire de la Belgique, par J.-J. De Smet, membre de la commission royale d'histoire et de l'académie de Bruxelles, 4me édit. t. 4er, p. 96.

(4) Réfutation de l'opinion de M. Raepsaet, etc. Dans les nouvelles Archives historiques des Pays-Bas, Livr. d'avril 4830.

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