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FÉLIX ALCAN, Éditeur

ANCIENNE LIBRAIRIE GERMER BAILLIÈRE ET C'e

108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN

AU COIN DE LA RUE HAUTEFEUILLE

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PIE VI

ET

LA PREMIÈRE COALITION

A PROPOS DE QUELQUES DOCUMENTS DES ARCHIVES DU SAINT-SIÈGE.

C'est une vérité assez communément admise que, dans l'immense conflit soulevé par la Révolution entre la France et l'Europe, la papauté, jadis arbitre des couronnes et des peuples, a joué un rôle dont la modestie étonne, et, dans tous les cas, exercé une influence dont la médiocrité ne semble pas contestable. L'éminent historien qui a, d'une touche si large et si précise, caractérisé le personnage que chacun a tenu en ces circonstances, ne peut que constater, sans y insister, l'effacement de la cour de Rome dans une querelle qui, en ébranlant l'équilibre de l'Europe, consommait la ruine du vieux monde chrétien. Les longs silences mêmes qu'oppose M. Albert Sorel à ceux qui chercheraient dans son œuvre la trace des « complots de Rome, » si violemment dénoncés, entre 1790 et 1795, à la tribune des assemblées, semblent une preuve sinon de l'inexistence, tout au moins de la parfaite vanité de ces complots1. Telle est l'attitude du pape jus

1. Albert Sorel, l'Europe et la Révolution française, passim, et plus particulièrement I, 389-390; II, 98-104, 115-129, 195-201; III, 157-158, 208-212, 228, 296, 395, 424; IV, 201. Inutile de dire à quel point le célèbre ouvrage nous a été précieux pour cette modeste étude, non moins que l'entretien si nourri que l'éminent historien a bien voulu avoir avec nous au sujet des documents dont il va être question. Cf. aussi, pour Rome et la Révolution de 1790 à 1793, le si intéressant ouvrage de Frédéric Masson: le Cardinal de Bernis, et du même les Diplomates de la Révolution : Hugou de Bassville. — Cf. enfin Bourgoing, Mémoires sur Pie VI, 1798-1800; abbé Bertrand, Pie VI et l'athéisme révolutionnaire, REV. HISTOR. LXXXI. 1er FASC. 1

qu'au traité de Tolentino, que vraiment on doit estimer qu'il y fut bien durement traité, pour s'être, en apparence, si persévéramment abstenu de toute démarche hostile1. La chose paraît d'autant plus étonnante que, jusqu'au printemps de 1792, où éclate le conflit international, nul, nous le verrons tout à l'heure, n'avait été plus malmené par la Révolution que le pape, atteint dans ses droits de souverain temporel par l'occupation d'Avignon, dans ses prérogatives de pontife universel par la Constitution civile, et, dans ses sentiments les plus intimes, par des procédés dont l'insolite violence nous stupéfie encore à l'heure présente; les menaces dirigées par surcroît, dès 1792, contre les États italiens du Saint-Siège rendent non moins surprenante cette inaction du successeur des Grégoire VII et des Jules II.

Que cette inaction du pape fût purement apparente, qu'aucun effort ne fût tenté par lui pour venger sa querelle ou simplement protéger ses États en poussant l'Europe contre la France << spoliatrice> et << sacrilège », c'est ce que les contemporains ne crurent pas. Car, s'ils estimaient le Saint-Siège impuissant à soulever seul l'Europe, jusque-là indifférente aux intérêts de Rome, ils ne le pouvaient croire incapable d'attiser le feu, et de convertir en croisa de la grande guerre qui se préparait. Les << complots de Rome» furent tenus pour réels, encore que parfaitement occultes; le meurtre de Bassville n'en parut qu'un épisode. Quand, plus tard, Pie VI, puis Pie VII, se virent en butte aux suprêmes outrages, il parut bon aux adversaires du SaintSiège de montrer, dans ces violences, une juste revanche et d'équitables représailles. C'est donc sans surprise qu'on voit, dans un ouvrage rarement lu, l'Essai historique sur les libertés de l'Église gallicane, l'abbé Grégoire attribuer à Pie VI un rôle important dans la formation de la Coalition comme dans le déchaînement de la guerre civile. Après avoir signalé les entraves mises par le pape à l'application de la Constitution civile, l'ancien évêque de Blois ajoutait : « Le pape ne s'en tint pas là. Le << 25 février 1792 et le 3 novembre de la même année, Pie VI

1879; Silvagni, la Corte e la Società Romana dei secoli XVIII e XIX, 18811893; et les recueils de Guillon Collectio Brevium atque instructionum SS. D. N. Pii papae VI quae ad presentes gallicanorum ecclesiasticorum calamitates pertinent, 1796, et du P. Theiner Documents inédits relatifs aux affaires religieuses de la France, 1790-1800. Paris, 1859.

1. Albert Sorel, Hoche et Bonaparte.

<< annonce à l'impératrice de Russie que les princes se coalisent << contre l'Assemblée nationale de France; il la prie de se joindre << à eux et d'envoyer contre les Français une flotte puissante; << d'autres lettres, dans le même temps, sont adressées à l'empe<< reur François II, au roi Georges III et à l'électeur de Saxe1. »

Certes, tout est suspect en cette affirmation : l'auteur, intimement mêlé aux luttes religieuses de la Révolution et ennemi passionné, jusqu'à l'aveuglement, de la Curie romaine, et le livre lui-même qui, pour n'avoir été publié qu'en 1818, ne semble pas moins avoir été entrepris entre 1809 et 1812 sous l'inspiration de l'empereur alors en âpre lutte avec Rome. Le texte n'arrêterait donc peut-être pas, si Grégoire ne l'accompagnait de références où il cite, avec assurance, les Registres de correspondance de Pie VI, témoignant ainsi avoir eu entre les mains les pièces secrètes des archives du Vatican. Et il y a déjà un premier intérêt à constater que Daunou ne fut pas le seul savant lâché par Napoléon dans les archives du Saint-Siège, si indûment transportées à Paris en 1809, et que ce dépôt, provisoirement installé à l'hôtel de Soubise, reçut peut-être plus de visites intéressées qu'on n'a coutume de le penser 2.

Pour Grégoire, Pie VI n'est donc pas le pontife résigné aux outrages, impuissant à les venger et imprévoyant des dangers suspendus sur sa tête. Mais les documents employés, même tenus pour authentiques, n'ont-ils pas été plus interprétés que traduits par ce sectaire passionné qu'était l'ancien prélat constitutionnel?

Le contrôler était assez difficile; on ne trouvait ailleurs trace que de deux brefs adressés par Pie VI à l'Europe en 1792. L'abbé Guillon, qui publia, dès 1796, une Collectio brevium... Pii VI, y imprima un bref à François II, du 17 septembre. Le Père Theiner, préfet des archives du Saint-Siège, qui, avant l'ouver

1. Essai historique sur les libertés de l'Église gallicane. Paris, 1818 (Bibl. nat., Ld10 55), p. 149-150. - Suum cuique »; nous n'avons pas le mérite de cette recherche. C'est un savant maître, M. Aulard, qui, à notre départ pour Rome, nous a signalé ce passage en appelant notre attention sur les références au sujet desquelles nous allons nous expliquer, et en nous engageant à profiter de nos travaux au Vatican pour chercher à contrôler la bonne foi de Grégoire. Nous le remercions de son utile renseignement.

2. Nous comptons examiner plus à loisir cette question dans le chapitre que nous consacrerons au transfert des archives du Vatican à Paris dans un ouvrage en préparation sur l'Administration des États romains sous l'Empire.

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