exemple, presque toute la Gaule chevelue et les deux Germanies. Ce n'est pas à dire qu'il n'y eût pas de villes dans ces contrées; mais, autant que nous pouvons en juger par les documents épigraphiques, ces villes furent bien moins qu'ailleurs les organes essentiels de la vie publique; les institutions municipales n'y acquirent pas l'éclat et l'importance qu'elles eurent dans d'autres provinces. Aussi n'y trouve-t-on que peu de traces du culte municipal de Rome et d'Auguste ou des empereurs, du moins sous sa forme habituelle: les inscriptions nomment très peu de flamines d'Auguste, et ceux qu'elles mentionnent vivaient précisément dans les parties de la Gaule qui subirent le plus l'influence romaine, par exemple chez les Eduens,1) chez les Sénons,2) à Noviodunum (Nyon),") chez les Helvètes,) chez les Vellaves,5) les Ségusiaves,) les Bituriges Cubes,) à Bordeaux.) Pour tout le nord de la Gaule, un seul prêtre municipal est nommé chez les Morins;9) les Germanies n'en ont jusqu'à présent fourni aucun. Les Augustales sont également très rares dans les trois Gaules et sur les bords du Rhin: s'ils existaient à Lyon 10) et autour de Lyon,) chez les Helvètes,12) les Eduens,"") les Sénons,14) les Bituriges Cubes, 15) les Médiomatriques, 16) plus au nord et à l'est, on en rencontre à peine quelques mentions isolées à Xanten,17) Nimègue,1) Aix la Chapelle, 19) Mayence, 20) Worms, 21), Rotenbourg (Würtemberg).22) On se tromperait néanmoins si l'on concluait de ces observations que les Gaulois et les tribus germaniques soumises à la domination romaine n'avaient pas revêtu leur loyalisme d'une forme religieuse. Il est au contraire tout à fait remarquable que précisément dans ces régions, où la 1) CIL., XIII, 2585. 2) Ibid., 2940. 3) MOMMSEN, Inscr. Helvet., 118, 119, ef. 112. 4) Id., ibid., 179, 189, 193, 194, 142, 143. 5) CIL., XIII, 1577. 6) Ibid., 1642. 7) Ibid., 1376 et 1377. 8) Ibid., 602. 9) VAILLANT, Epigr. de la Morinie, n. 22. 10) CIL., XIII, 1735, 1751 et surtout 1935 et suiv. 11) Ibid., 2543. 12) MOMMSEN, Inscr. Helvet., 121, 133, 149, 156, 177, 187 et suiv., 223. 13) CIL., XIII, 2584, 2652, 2669. 14) Ibid., 2926. 15) Ibid., 1194. 16) ROBERT et CAGNAT, Epigr. gallo-romaine de la Moselle, II, p. 16. 17) BRAMBACH, CIRh., 10. 18) Id., ibid., 82. 19) Id., ibid., 628. 20) Id., ibid., 1316. 21) Id., ibid., 904. civilisation gréco-romaine pénétra moins profondément qu'ailleurs, des hommages très nombreux furent adressés soit à la divinité d'Auguste ou des empereurs, soit au dieu qui protégeait tout spécialement l'empire, Jupiter Optimus Maximus. Ces hommages n'avaient presque jamais de caractère public; ils émanent à peu près partout et toujours d'un sentiment de dévotion individuelle; en second lieu, les inscriptions qui nous les ont fait connaître, et les monuments figurés qui nous ont apporté sur ces vieilles religions des témoignages souvent très précieux, attestent que dans la pensée de ces Gaulois et de ces Germains leurs anciens cultes nationaux ou locaux vivaient en parfait accord avec ces cultes nouveaux; à nos yeux cette union des divinités est une des formes les plus originales que prit dans l'empire romain le loyalisme des provinciaux. Tel est le phénomène à la fois religieux et historique que nous nous proposons d'étudier ici brièvement, d'abord dans les trois Gaules, puis dans les Germanies. I. Les trois Gaules. Dans les trois Gaules, mais principalement en Aquitaine et en Lugdunaise, ont été trouvés en grand nombre des textes votifs et des dédicaces, où sont mentionnés côte à côte soit Auguste soit les Augustes et une divinité nationale ou locale. La divinité impériale est tantôt appelée tout simplement Augustus: par exemple: Adidoni et Augusto. Ser. Telonius Musicus d. s. p. p.1), tantôt Numen Augusti ou au pluriel Numina Augustorum: ainsi Num(ini) Aug. et deo Mercuri Dumiati Matutinus Victorinus d. d.) et Numinib(us) Augustor(um) deo Volkano M. Gemel. Secundus et C. Sedat. Florus actor(es) vicanor(um) Portens(ium) tribunal cum locis ex stipe conlata posuerunt.") Parmi ces inscriptions trois émanent non point de cités proprement dites, de communes organisées suivant les institutions romaines, mais de tribus gauloises ou de villages. Ce sont: 1o Augusto sacrum et Genio civitatis Bituriges) Viv(isci).4) 20 Numinibus Augustorum), fanum Plutonis Andecamulenses de suo posuer(unt).5) 3° Numinibus Augustorum et Junonibus vicani Neriomagienses.) 1 CIL., XIII, 1575. 2, Ibid., 1523. 3, Ibid., 1306 Nantes). 4, Ibid., 566 (Bordeaux). 5) Ibid., 1449 Limoges). 6, Ibid., 1374 (Néris les Bains). A Bordeaux, la divinité impériale est associée à une divinité locale, le Genius Civitatis; à Néris les Bains, elle est jointe aux Junones, déesses apparentées aux Matres, aux Matronae, aux Suleriae, aux Fatae, et dont le nom romain ne dissimule pas le caractère gaulois. A Limoges, le cas est plus curieux: les Numina Augustorum sont invoqués à propos d'un fanum Plutonis, comme si la construction de ce sanctuaire était placée sous la protection des divinités impériales. A Entrains (Nièvre), les ouvriers en bronze de cette localité unissent sur un ex-voto le nom du dieu Auguste à celui du Deus Borvo et Candidus: Aug. sacr. Deo Borvoni et Candido aerari sub cura Leonis et Marciani ex voto; aerarii dona(verunt).') Mais le plus souvent de tels hommages sont individuels; ils prouvent que, même en l'absence d'un culte municipal organisé ou d'une corporation d'Augustales, le culte de la divinité impériale s'était répandu parmi les populations gauloises. Le nom d'Auguste ou des Augustes se trouve associé a) à des divinités nationales, dont le nom est accompagné ou non d'une épithète locale: Mercure: [Numini] Aug. et Mercurio v. s. l. m. Tib. Cl. Potit us · J·°) Numini Augustor. Mercurio sacr.) Aug. sacr. Deo Mercurio Censorinus Pusellini filius ex voto.5) Aug. sacr. Deo Mercurio Am.....us Celsus Ambiorigis (f.) ex voto.“) Num. Aug. signum Mercur. cum sua aede).... Num. Aug. et deo Mercuri Dumiati Matutinus Victorinus d. d.) Mars: Num. Aug. et Marti Mogetio Gracchus Ategnutis fil. v. s. l. m ) 1) CIL., XIII, 2901. 2) Ibid., 1124 (Poitiers). 3) Ibid., 1514 (Auvergne). 4) Ibid., 2501 (env. de Belley). 5) Ibid., 2631 (pays des Eduens). 6) Ibid., 2891 (env. de Sens). 7) Ibid., 3177 (Lisieux). 8) Ibid., 1523 (Puy de Dôme). 9) Ibid., 1193 (Bourges). 10) Ibid., 2532 (Env. de Belley). 11) Ibid., 2887 (Env. de Langres). 12) Ibid., 2899 (Sens). .12) Aug. sacr. Mart(i) Boluinn(o) L. Gabinius Severus donum dedit.') Aug. Marti Mulloni signum cum suo templo et ornamentis omnibus suo et Toutillae fil. nomine Agdovirus Morici fil. v s. l. m.2) Numinibus Augustorum Deo Marti Apollon: usso Tullianus v. s. l. m.3) Num. Au[g] et Genio Apollinis Atepomari Jul. Atrectus Craxanti fil. et Jul. Gnatus Atrecti fil. d. s. d.) Aug. Apollini sacr. Cosmis Lucan(i) fil.5) Numinib. August. Deo Apollini C. Nonius Euposius ex voto muro et scandula cinxit.) Numinib. Augustor. Deo Volkano M. Gemel. Secundus et C. Sedat. Florus actor. vicanor. Portens. tribunal cum locis ex stipe conlata posuerunt.11) Aug. Deo Volkano porticum cum campo consecratam L. Mart.... M. Lucceius Genialis vicanis Portensibus conces(serunt),12) [Num. Aug. [deo] Volk(ano). [Marcius [v. 8.] 7. m.13) Les déesses Mères: ..... Numinib. Aug. Matris Augustis C. Nonius... 14) Rosmerta: cus [Marcelli [fili]us Aug. sacr. Deae Rosmertae Cne. Cominius Candidus et Apronia Avitilla v. s. l. m.15) 1) CIL, XIII, 2900 (Sens). 2) Ibid., 3101 (Nantes). 3) Ibid., 3103 (Nantes). 4) Ibid, 1318 (Bourges). 7) Ibid., 2898 (Sens). 8) Ibid., 2892 (Sens). 9) Ibid., 3075 (Tours). 10) Ibid., 3104 (Nantes). 11) Ibid., 3106 (Nantes). 12) Ibid., 3107 (Nantes). 13) Ibid., 3164 (Vieux). 14) Ibid., 1764 (Lyon). 15) Ibid., 2831 (pays des Eduens). Epona: Aug. sacr. Deae Eponae Marcellus Maturi f. incol(a) d. s. v. s. m.1) Augusto sacrum. Deae Eponae Counonius Icotasgi fil templum cum suis ornamentis omnibus de suo donavit l. m.2) Sirona: Num. Aug. Deae) Sirona(e) Ca. Magrusa. lib. v. s. l. m.3) P) à des divinités locales: Numin. Aug. et deo Telon()?...... 4) [Numinib Aug. et Nerio deo... etc...5) Augu(sto) sacru(m). Deo Brixantu propitiu...6) Aug. sacr. Deo Albio et Damonae Sex. Mart. Cociliani f. ex jussu ejus s. l. m.) Aug. sacr. Deae Seq(uanae) Fl. Flavialis pro sal. Fl. Luna. nep. sui ex voto v. s. l. m.3) Aug. sacr. Deae Clutoïdae et Ucanis Masensibus Mediusacer Medianni f. murum inter arcus duos cum suis ornamentis d. s. p. f.9) Aug. sacr. Deae Icauni T. Tetricius African(us) d. s. d. d.1o) Aug. Acionnae sacrum. Capellus Illiomari f. porticum.11) Aug. Rudiobo sacrum cur. Cam. . . . . d. s. p. d. Ser. Esumagius Sacrovir, Ser. . . . . Severus.12) [A]ug. Deo Gisaco Tauricius Agricola de suo posuit.13) Comme on peut le voir par cette énumération, c'était une habitude chez beaucoup de Gaulois d'invoquer la divinité impériale, Auguste ou les Augustes, en même temps que leurs dieux nationaux et locaux; presque toujours même, c'était le nom d'Auguste qu'ils inscrivaient tout d'abord sur les dédicaces ou les ex-voto dont ils ornaient leurs sanctuaires. De telles manifestations religieuses n'avaient point de caractère officiel; elles exprimaient donc des sentiments spontanés. Nous y voyons la preuve certaine que la puissance impériale était acceptée de bon gré par ces provinciaux. Leurs prières, leurs actions de grâces se partageaient entre l'Auguste ou les Augustes, et la divinité nationale ou locale, dont ils 1) CIL., XIII, 2903 (Entrains). 2) Ibid., 2902 (Entrains). 3) Ibid., 3143 (pays de Corseul). 4) Ibid., 948 (Périgueux). 5) Ibid., 1376 1377 (Néris les Bains). 6) Ibid., 2812 (près d'Autun). 7) Ibid., 2840 (pays des Eduens). 8) Ibid., 2862 (Sources de la Seine). 9) Ibid., 2895 (Sens). 10) Ibid., 2921 (Auxerre, près de l'Yonne). 11) Ibid., 3063 (Orléans). 12) Ibid., 3071 (Orléans). 13) Ibid., 3197 (Evreux). Beiträge z. alten Geschichte II 2. 14 |