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taire son imagination et ses sens, qu'en s'élevant au-dessus de soi. Et je suis bien résolu dans la suite de ne plus juger de Dieu par moi-même, ni sur les idées qui représentent les créatures, mais uniquement par la notion de l'Etre infiniment parfait. Continuez, je vous prie, Théodore, de m'interroger et de m'instruire.

X. THÉODORE.

Eh bien, continuons. Vous croyez que Dieu

est bon, sage, juste, miséricordieux, patient, sévère?

ARISTE. Doucement. Ces termes sont bien communs, je m'en défie. Je crois que Dieu est sage, bon, juste, clément, et qu'il a toutes les autres qualités que l'Écriture lui attribue; mais je ne sais si tous ceux qui prononcent ces mots conçoivent les mêmes choses. L'Être infiniment parfait est bon, juste, miséricordieux! Cela me paraît obscur. Définissez-moi ces termes.

THÉODORE. Oh! oh! Ariste, vous appréhendez la surprise. Vous faites bien. Quand on philosophe sur des matières délicates et sublimes, les équivoques sont à craindre, et les termes les plus communs n'en sont pas les plus exempts. Il faudrait donc définir ces mots, mais cela n'est pas si facile. Répondez-moi auparavant à ce qui peut servir à les éclaircir. Pensez-vous que Dieu connaisse et qu'il veuille?

ARISTE.

Pour cela, oui. Je ne doute nullement que Dieu ne connaisse et qu'il ne veuille.

THÉODORE.

D'où vient que vous n'en doutez pas? Est-ce à cause que vous connaissez et que vous voulez vous-même?

ARISTE.

Non, Théodore. C'est que je sais que connaître et vouloir sont des perfections; car quoique je sente que je souffre, que je doute, je suis certain que Dieu ne sent et ne doute pas. Et quand je dis que Dieu connaît et qu'il veut, je ne prétends pas que ce soit comme les hommes. Je prétends seulement en général que Dieu veut et connaît, et je vous laisse à vous et à Théotime à en expliquer la manière.

THÉODORE.- Comment, la manière? Toutes les manières divines sont incompréhensibles. Nous ne savons pas comment nous connaissons nous-mêmes, ni comment nous voulons; car, n'ayant point d'idée claire de notre âme, nous ne pouvons rien comprendre clairement dans ses propres modalités. A plus forte raison nous ne vous expliquerons pas exactement la manière dont Dieu connaît et dont il veut. Néanmoins, consultez la notion de l'Être infiniment parfait. Voyez si je la suis, car je vous dis hardiment que Dieu est à lui-même sa propre lumière; qu'il découvre dans sa substance les essences de tous les êtres et toutes leurs modalités

possibles, et dans ses décrets leur existence et toutes leurs modalités actuelles.

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ARISTE. Il me semble que vous ne vous hasardez pas beaucoup. XI. THÉODORE. Je ne le prétends pas aussi. Mais, puisque vous recevez ce principe, tirons-en des conséquences. Dieu connaît en lui tout ce qu'il connaît. Donc toutes les vérités sont en Dieu, puisque, étant infiniment parfait, il n'y en a aucune qui échappe à ses connaissances. Donc sa substance renferme tous les rapports intelligibles; car les vérités ne sont que des rapports réels, et les faussetés des rapports imaginaires. Donc Dieu n'est pas seulement sage, mais la sagesse; non-seulement savant, mais la science; non-seulement éclairé, mais la lumière qui l'éclaire, lui et même toutes les intelligences: car c'est dans sa propre lumière que vous voyez ce que je vois, et qu'il voit lui-même ce que nous voyons tous deux. Je vois que tous les diamètres d'un cercle sont égaux. Je suis certain que Dieu lui-même le voit, et que tous les esprits, ou le voient actuellement, ou le peuvent voir. Oui, je suis certain que Dieu voit précisément la même chose que je vois, la même vérité, le même rapport que j'aperçois maintenant entre 2 et 2, et 4. Or, Dieu ne voit rien que dans sa substance. Donc cette même vérité que je vois, c'est en lui que je la vois. Vous savez tout cela, Ariste, et vous en êtes déjà demeuré d'accord. Mais ces principes s'échappent facilement; et ils sont d'ailleurs de si grande importance, que ce n'est pas perdre son temps que de les rappeler dans son esprit et se les rendre familiers.

ARISTE.

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Voilà donc une des grandes différences qu'il y a entre la manière dont Dieu connaît et celle dont nous connaissons. Dieu connaît en lui-même toutes choses, et nous ne connaissons rien en nous; nous ne connaissons rien que dans une substance qui n'est point à nous. Dieu est sage par sa propre sagesse; mais nous ne devenons sages que par l'union que nous avons avec la sagesse éternelle, immuable, nécessaire, commune à toutes les intelligences car il est bien clair qu'un esprit aussi limité que le nôtre ne peut pas trouver dans sa propre substance les idées ou les archétypes de tous les êtres possibles et de leurs rapports infinis. Mais, de plus, je suis si certain que les hommes, les anges et Dieu même voient les mêmes vérités que je vois, qu'il ne m'est pas possible de douter que c'est la même lumière qui éclaire tous les esprits. XII. THEOTIME. Assurément, Ariste, si Dieu voit précisément ce que nous voyons, quand nous pensons que deux fois deux font quatre, c'est en Dieu seul que nous voyons cette vérité, car Dieu ne la voit que dans sa sagesse. Il ne voit même que nous y pen

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sons actuellement que dans ses décrets et dans son éternité, car il ne tire point ses connaissances de ce qui se passe actuellement dans ses créatures. Mais ne pourrait-on point dire que les esprits ne voient point les mêmes vérités, mais des vérités semblables? Dieu voit que 2 fois 2 font 4. Vous le voyez; je le vois. Voilà trois vérités semblables, et non point une seule et unique vérité.

ARISTE. Voilà trois perceptions semblables d'une seule et mème vérité; mais comment trois vérités semblables? Et qui vous a dit qu'elles sont semblables? Avez-vous comparé vos idées avec les miennes et avec celles de Dieu, pour en reconnaître clairement la ressemblance? Qui vous a dit que demain, que dans tous les siècles, vous verrez comme aujourd'hui que 2 fois 2 font 4? Qui vous a dit que Dieu même ne peut faire d'esprits capables de voir clairement que 2 fois 2 ne soient pas 4? Assurément, c'est que vous voyez la même vérité que je vois; mais par une perception qui n'est pas la mienne, quoique, peut-être, semblable à la mienne. Vous voyez une vérité commune à tous les esprits, mais par une perception qui vous appartient à vous seul; car nos perceptions, nos sentiments, toutes nos modalités sont particulières. Vous voyez une vérité immuable, nécessaire, éternelle; car vous êtes si certain de l'immutabilité de vos idées, que vous ne craignez point de les voir demain toutes changées. Comme vous savez qu'elles sont avant vous, aussi êtes-vous bien assuré qu'elles ne se dissiperont jamais. Or, si vos idées sont éternelles et immuables, il est évident qu'elles ne peuvent se trouver que dans la substance éternelle et immuable de la Divinité. Cela ne se peut contester.. C'est en Dieu seul que nous voyons la vérité. C'est en lui seul que se trouve la lumière qui l'éclaire, lui et toutes les intelligences. Il est sage par sa propre sagesse, et nous ne le pouvons être que par l'union que nous avons avec lui. Ne disputons point de ces principes. Ils sont évidents, ce me semble, et le fondement de la certitude que nous trouvons dans les sciences.

THEOTIME. J'ai bien de la joie, Ariste, de voir que vous êtes convaincu, non-seulement que la puissance de Dieu est la cause efficace de nos connaissances, car je pense que vous n'en doutez pas, mais encore que sa sagesse en est la cause formelle, qui nous éclaire immédiatement, et sans l'entremise d'aucune créature. Je vois bien que Théodore vous a entretenu sur cette matière. Je lui dois aussi ce que vous tenez de lui et qu'il dit tenir de saint Augustin.

THÉODORE.

Nous convenons donc tous que Dieu est infiniment sage, et cela essentiellement et par lui-même, par la nécessité de

son ètre; que les hommes ne peuvent être sages que par la lumière de la sagesse divine; que cette lumière leur est communiquée en conséquence de leur attention, qui est la cause occasionnelle qui détermine l'efficace des lois générales de l'union de leur esprit avec la raison universelle, ainsi que nous expliquerons dans la suite. Prouvons maintenant que Dieu est juste.

XIII. Dieu renferme dans la simplicité de son être les idées de toutes choses et leurs rapports infinis, généralement toutes les vérités. Or, on peut distinguer en Dieu deux sortes de vérités ou de rapports, des rapports de grandeur et des rapports de perfection, des vérités spéculatives et des vérités pratiques, des rapports qui n'excitent par leur évidence que des jugements, et d'autres rapports qui excitent encore des mouvements. Ce n'est pas néanmoins que les rapports de perfection puissent être clairement connus, s'ils ne s'expriment par des rapports de grandeur. Mais il ne faut pas nous arrêter à cela. Deux fois deux font quatre : c'est un rapport d'égalité en grandeur; c'est une vérité spéculative qui n'excite point de mouvement dans l'âme, ni amour, ni haine, ni estime, ni mépris, etc. L'homme vaut mieux que la bète : c'est un rapport d'inégalité en perfection qui exige non-seulement que l'esprit s'y rende, mais que l'amour et l'estime se règlent par la connaissance de ce rapport ou de cette vérité. Prenez donc garde.

Dieu renferme en lui tous les rapports de perfection. Or, il connaît et il aime tout ce qu'il renferme dans la simplicité de son être. Donc il estime et il aime toutes choses à proportion qu'elles sont aimables et estimables. Il aime invinciblement l'ordre immuable, qui ne consiste et ne peut consister que dans les rapports de perfection qui sont entre ses attributs et entre les idées qu'il renferme dans sa substance. Il est donc juste essentiellement et par luimême. Il ne peut pécher, puisque, s'aimant invinciblement, il ne peut qu'il ne rende justice à ses divines perfections, à tout ce qu'il est, à tout ce qu'il renferme. Il ne peut même vouloir positivement et directement produire quelque dérèglement dans son ouvrage, parce qu'il estime toutes les créatures selon la proportion de la perfection de leurs archétypes. Par exemple, il ne peut sans raison vouloir que l'esprit soit soumis au corps; et si cela se trouve, c'est que maintenant l'homme n'est point tel que Dieu l'a fait. Il ne peut favoriser l'injustice; et si cela est, c'est que l'uniformité de sa conduite ne doit pas dépendre de l'irrégularité de la nôtre. Le temps de sa vengeance viendra. Il ne peut vouloir ce qui corrompt son ouvrage; et s'il s'y trouve des monstres qui le défigurent, c'est qu'il rend plus d'honneur à ses attributs par la simplicité et la

généralité de ses võies, que par l'exemption des défauts qu'il permet dans l'univers, ou qu'il y produit en conséquence des lois générales qu'il a établies pour de meilleurs effets que la génération des monstres, comme nous l'expliquerons dans la suite. Ainsi, Dieu est juste en lui-même, juste dans ses voies, juste essentiellement, parce que ses volontés sont nécessairement conformes à l'ordre immuable de la justice qu'il se doit à lui-même et à ses divines perfections.

Mais l'homme n'est point' juste par lui-même; car l'ordre immuable de la justice, qui comprend tous les rapports de perfection de tous les êtres possibles et de toutes leurs qualités, ne se trouvant qu'en Dieu, et nullement dans nos propres modalités, quand l'homme s'aimerait par un mouvement dont il serait lui-même la cause, bien loin que son amour-propre pût le rendre juste, il le corromprait infiniment plus que l'amour-propre du plus scélérat des hommes; car il n'y eut jamais d'âme assez noire, et possédée d'un amour-propre si déréglé, que la beauté de l'ordre immuable ne l'ait pu frapper en certaines occasions. Nous ne sommes donc parfaitement justes que lorsque, voyant en Dieu ce que Dieu y voit lui-même, nous en jugeons comme lui, nous estimons et nous aimons ce qu'il aime et ce qu'il estime. Ainsi, bien loin que nous soyons justes par nous-mêmes, nous ne serons parfaitement tels que, lorsque, délivrés de ce corps qui trouble toutes nos idées, nous verrons sans obscurité la loi éternelle, sur laquelle nous réglerons exactement tous les jugements et tous les mouvements de notre cœur. Ce n'est pas qu'on ne puisse dire que ceux qui ont la charité sont justes véritablement, quoiqu'ils forment souvent des jugements fort injustes. Ils sont justes dans la disposition de leur cœur; mais ils ne sont pas justes en toute rigueur, parce qu'ils ne connaissent pas exactement tous les rapports de perfection qui doivent régler leur estime et leur amour.

XIV. ARISTE. Je comprends, Théodore, par ce que vous me dites là, que la justice aussi bien que la vérité habitent, pour ainsi dire, éternellement dans une nature immuable. Le juste et l'injuste, aussi bien que le vrai et le faux, ne sont point des inventions de l'esprit humain, ainsi que prétendent certains esprits corrompus. Les hommes, disent-ils, se sont fait des lois pour leur mutuelle conservation. C'est sur l'amour-propre qu'ils les ont fondées. Ils sont convenus entre eux, et par là ils se sont obligés; car celui qui manque à la convention se trouvant plus faible que le reste des contractants, il se trouve parmi des ennemis qui satisfont à leur amour-propre en le punissant. Ainsi, par amour-propre, il doit

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