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supposant la diversité des mérites et des sacrifices, il fallait que les hommes eussent une victime à sacrifier à Dieu, et qu'ils pussent par elle s'immoler eux-mêmes en mille manières différentes. Tout cela s'exécute, comme tu vois, en conséquence de ces lois, par des voies simples, générales, uniformes et constantes, dignes de la sagesse, de l'immutabilité et des autres attributs divins. Rien, mon fils, n'est plus digne de ton application et de tes recherches que la connaissance particulière de ces lois : leur simplicité et leur fécondité est admirable. Mais je veux t'instruire des vérités de la religion, qui te sont encore plus nécessaires. Quelque jour tu contempleras à loisir la conduite de Dieu et la sagesse qu'il a répandue sur tous ses ouvrages.

12. Prends donc garde, mon fils; puisque tu ne remues ton bras qu'en conséquence des lois générales de l'union de l'âme et du corps, tes volontés sont par elles-mêmes entièrement inefficaces. Car, puisque ton bras ne se remue que parce que Dieu a voulu qu'il se remuât toutes les fois que tu le voudrais toi-même, supposé que ton corps fût disposé à cela, lorsque tu remues le bras il y a deux volontés qui concourent à son mouvement, celle de Dieu et la tienne. Or il y a contradiction que Dieu veuille que ton bras soit remué et qu'il demeure immobile tu es sûr qu'il y a une liaison nécessaire entre les volontés d'un être tout-puissant et leurs effets, et tu ne vois nul rapport entre tes désirs et leur exécution. Donc la force qui produit le mouvement vient de Dieu, en conséquence néanmoins de ta volonté par elle-même inefficace.

43. Si Dieu avait établi cette loi d'exécuter généralement tous tes désirs, alors la toute-puissance te serait donnée; tu tirerais du néant des substances lorsque tu le voudrais; mais tu serais bien vain et bien ridicule si tu t'imaginais produire ces effets par l'efficace de tes volontés: tu aurais néanmoins les mêmes raisons de te dire créateur que tu en as de croire que tu es véritablement moteur. Mais prends garde à ceci. Supposé que Dieu, pour punir ton orgueil, ait établi cette loi de faire toujours tout le contraire de ce que tu souhaites, je pense que dans cette supposition tu ne serais pas assez ridicule pour te glorifier de ta puissance. Néanmoins tes volontés, comme causes occasionnelles, détermineraient l'efficace de cette loi. Quoi! mon fils, à cause que Dieu est fidèle à exécuter tes volontés, et que par là il te communique sa puissance autant que tu en es capable, faut-il que tu t'en glorifies, faut-il que tu t'attribues une efficace qui n'est due qu'à lui!

14. Mais je vois bien ce qui te trompe encore, c'est que, pour remuer ton bras, il ne suffit pas que tu le veuilles ; il faut pour cela

que tu fasses quelque effort; et tu t'imagines que cet effort, dont tu as sentiment intérieur, est la cause véritable du mouvement qui le suit, parce que ce mouvement est fort et violent à proportion de la grandeur de ton effort. Mais, mon fils, vois-tu clairement qu'il y ait quelque rapport entre ce que tu appelles effort et la détermination des esprits animaux dans les tuyaux des nerfs qui servent aux mouvements que tu veux produire? Ne t'arrête plus au prineipe de tes erreurs, dont je t'ai déjà montré la fausseté en tant de manières. Crois ce que tu conçois clairement, et non pas ce que tu sens confusément. Mais ne sens-tu pas même que souvent tes efforts sont impuissans? Autre chose est donc effort, et autre chose efficace. Cela est assez étrange que ton effort, par lequel Dieu te marque ton impuissance et te fait mériter qu'il agisse en ta faveur, soit la cause de ton orgueil et de ton ingratitude. Sache, mon fils, que tes efforts ne diffèrent de tes autres volontés pratiques que par les sentiments pénibles qui les accompagnent, et que Dieu, qui règle seul, selon certaines lois générales, les sentiments de l'âme par rapport à la conservation de la vie, doit faire sentir à l'âme de la ́faiblesse ou de la douleur et de la peine, lorsqu'il y a très-peu d'esprits animaux dans le corps ou que les chairs des muscles sont incommodées par le travail.

45. S'il est donc vrai que l'homme n'a point de puissance ni sur son corps ni sur ceux qui l'environnent, s'il est certain qu'il n'est point sa lumière à lui-même et qu'il ne peut ni produire ni se représenter ses idées; en un mot, s'il n'a nul pouvoir véritable sur le monde matériel ni sur le monde intelligible, de quoi pourra-t-il se glorifier? Voilà bien des sujets de vanité retranchés; mais il en reste encore. L'homme croit être le maître absolu de ses volontés, et il se trompe à cet égard en bien des manières. Je vais te marquer précisément en quoi consiste son pouvoir, afin que tu ne t'attribues rien qui ne t'appartienne. Écoute-moi sérieusement, ceci est encore de très-grande conséquence.

16. Il faut, mon fils, que tu saches que Dieu n'agit que pour lui, qu'il ne fait et ne conserve ton esprit que pour lui, et qu'ainsi il te transporte vers lui tant qu'il te conserve l'être 1; que c'est ce mouvement naturel que Dieu imprime en toi sans cesse pour le bien en général, c'est-à-dire pour lui, qui est proprement ta volonté, car c'est ce qui te rend capable d'aimer généralement tous les biens. Or, ce mouvement naturel est absolument invincible: tu n'en es nullement le maître. Il ne dépend point de toi de vouloir 1. Traité de la Nature et de la Grâce, troisième discours.

être heureux et d'aimer le bien en général. Ainsi tu vois déjà bien qu'à cet égard tu n'es point le maître de ta volonté.

47. Dieu te porte invinciblement à aimer le bien en général, mais il ne te porte point invinciblement à aimer les biens particuliers. Ainsi tu es le maître de ta volonté à l'égard de ces biens. Ne t'imagine pas néanmoins que tu puisses, comme cause véritable, changer les déterminations de tes volontés à leur égard. Je vais t'expliquer en quoi consiste le pouvoir que tu as d'aimer différents biens, pouvoir misérable, pouvoir de pécher, car on ne doit aimer que Dieu comme son bien ou la cause de sa perfection et de son bonheur.

48. Dieu te porte sans cesse vers le bien en général ; ce mouvement par lui-même est indéterminé. Tu découvres par la vue de l'esprit, ou tu goûtes par les sens un bien particulier, ou, plutôt séduit par tes sens ou par une lumière confuse, tu juges que tel objet est un bien; aussitôt ce mouvement indéterminé se détermine naturellement vers ce bien que tu connais ou que tu sens, et cela sans attendre que tu l'ordonnes, car ce mouvement est purement naturel. Ainsi, tu ne peux être le maître de ton amour que tu ne le sois de tes sentiments ou de tes lumières; tu ne peux changer les mouvements de ton cœur qu'en changeant les idées du bien, car tu ne peux aimer que par l'amour naturel du bien.

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19. Lorsque deux biens se présentent à ton esprit dans le même temps, et que l'un paraît meilleur que l'autre, si dans ce moment tu choisis et te détermines, tu aimeras nécessairement celui qui te paraîtra le meilleur, supposé que tu n'aies point d'autres vues et que tu veuilles absolument choisir. Mais tu peux toujours suspendre ton consentement à l'égard des faux biens ou les abandonner; tu peux toujours examiner et suspendre le jugement qui doit régler ton choix. Je suppose qu'alors la capacité que tu as de penser ne soit point toute remplie par des passions ou des sentiments trop vifs. Or, c'est ce pouvoir de suspendre ton consentement à l'égard des faux biens et de l'erreur, qui dépend proprement de toi. Mais, prends garde, tu n'as ce pouvoir que par l'amour que Dieu t'imprime sans cesse pour le bien en général; car, si tu peux ne point t'arrêter aux faux biens et à l'erreur, c'est que tu as du mouvement pour aller plus loin. Mais, mon fils, tu ne suis pas toujours ce mouvement; tu t'arrêtes avant le temps 1. Ainsi les consentements qui ne sont qu'erreur et que péché, sont uniquement de toi; car les consentements positifs, qui tendent au bien, ne sont point tant des consentements

1. Voy. la Réponse à la deuxième objection du troisième chap. de la Réponse à la Diss. de M. Arnauld.

que des mouvements qui continuent, et que tu ne dissipes point par ta paresse et ta négligence. Il n'est pas nécessaire que je t'explique ces choses plus au long.

20. Comme tu peux suspendre ton consentement à l'égard des faux biens ou des idées confuses, il est visible que tu peux changer la situation ou la face que les choses ont prise dans ton esprit, et par là changer toutes les déterminations de tes volontés; parce que le bien qui paraissait le meilleur paraîtra le moindre, et ce qui était vraisemblable se trouvera faux. C'est la lumière et le sentiment qui déterminent positivement et naturellement l'amour. Or tes volontés sont causes occasionnelles de tes lumières; et les objets qui frappent tes sens, et le cours des esprits animaux sont causes occasionnelles de tes sentiments (par sentiments j'entends ici généralement toutes les pensées où le corps a quelque part). Donc si tu suspens ton consentement, et que par ton attention tu examines les faces différentes des objets qui te sont présentés; ou même si tu le suspens long-temps, et que la présence des objets ou le cours fortuit des esprits change tes sentiments, tu te trouveras en tel état que tu n'auras que du mépris et de l'aversion pour un objet qui s'était rendu le maître de ton cœur.

24. Je ne te parle point, mon fils, du secours de ma grâce, quoique sans elle tu ne puisses rétablir ta liberté extrêmement affaiblie par les efforts continuels de la concupiscence. Humilie-toi de ton impuissance générale. Reconnais que le pouvoir que tu as d'aimer et de faire le bien ne vient que du mouvement que je t'imprime, et tâche de suivre ce mouvement, afin qu'il te conduise jusqu'au vrai bien pour lequel Dieu te l'a donné. Tu peux ne pas suivre ce mouvement : c'est là proprement ton pouvoir. Mais l'effet de ce pouvoir ne peut être que l'erreur et le péché. Ne te glorifie donc pas de ce pouvoir, afin que ma grâce t'en délivre, et que je te donne cette heureuse impuissance qui produit dans mes saints une joie incompréhensible.

22. Oui, mon Sauveur, je reconnais volontiers mon impuissance. Vous avez créé l'homme dans une liberté parfaite; vous lui avez donné le pouvoir de consentir au bien et au mal. Mais depuis sa chute la concupiscence le rend impuissant au bien, si vous ne le fortifiez par le secours de votre grâce. Sauveur des pécheurs, venez me délivrer de cette fatale liberté que j'ai de mal faire, de la ser· vitude du péché, de ce pouvoir que je n'ai que trop d'abuser du mouvement que Dieu ne me donne que pour m'élever jusqu'à lui. Mais, si je ne suis que faiblesse et qu'impuissance, si je ne suis point le maître absolu de mes volontés, comment pourrais-je l'ètre

des mouvements corporels qui en dépendent? Comment les objets sensibles auraient-ils la puissance d'agir en moi et sur les corps qui m'environnent? Non, Seigneur, la puissance, qui donne l'être et le mouvement aux corps et aux esprits, ne se trouve qu'en vous. Je ne reconnais point d'autre cause véritable que l'efficace de vos volontés. Toutes les créatures sont impuissantes je ne les crains point, je ne les aime point. Soyez l'unique objet de mes pensées, et la fin générale de tous les mouvements de mon cœur.

SEPTIÈME MÉDITATION.

La sagesse de Dieu ne paraît pas seulement dans ses ouvrages, mais beaucoup plus dans la manière dont il les exécute. D'où vient qu'il y a tant de monstres et d'irrégularités dans le monde. Comment Dieu permet le mal. Ce que c'est que la Providence. Il n'est pas permis de tenter Dieu. De la combinaison du naturel avec le moral, du moins dans les événements les plus généraux.

4. O mon unique maître, que mes sens me séduisent, et que le commerce du monde me remplit l'esprit de fausses idées! Que de fantômes, que d'illusions, que de chimères, mon imagination me représente ! O vérité éternelle, faites disparaître par l'éclat de votre lumière tout ce qui n'a point de corps ni de solidité; montrez-moi des objets réels; dissipez mes ténèbres; délivrez-moi de mes préjugés.

2. Lorsque j'ouvre les yeux pour considérer le monde visible, il me semble que j'y découvre tant de défauts, que je suis encore porté à croire, ce que j'ai ouï dire tant de fois, que c'est l'ouvrage d'une nature aveugle, et qui agit sans dessein, Car, si elle agit quelquefois d'une manière qui marque une intelligence infinie, elle néglige aussi quelquefois de telle manière tout ce qu'elle fait, qu'il semble que c'est le hasard qui règle tout.

3. Certainement, Dieu n'a pas fait le monde pour les poissons; et il y a plus de mers dans le monde que de terres habitables. A quoi servent à l'homme ces montagnes inaccessibles, ces sablons de l'Afrique et tant de terres stériles? Lorsque je considère nos mappemondes qui représentent la terre à peu près telle qu'elle est, je ne vois rien qui marque intelligence dans celui qui l'a formée. Je m'imagine, ou que ce n'est que le débris d'un ouvrage régulier, ou que ce ne fut jamais que l'ouvrage du hasard ou d'une nature aveugle. Car enfin il n'y a nulle uniformité dans la situation des terres et des mers; et si j'examine seulement le cours des rivières, tout m'y paraît si irrégulier, que je ne puis croire qu'il soit réglé par quelque intelligence, ni que les eaux soient créées pour la com

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