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y a là assurément quelque mystère. Je vous prie de me le développer. XVII. THÉODORE. Oui, sans doute, il y a là du mystère. Que les philosophes, mon cher Ariste, sont obligés à la religion; car il n'y a qu'elle qui les puisse tirer de l'embarras où ils se trouvent! Tout paraît se contredire dans la conduite de Dieu, et rien n'est plus uniforme. Le bien et le mal, je parle du mal physique, n'ont point deux principes différents. C'est le même Dieu qui fait tout par les mêmes lois. Mais le péché fait que Dieu, sans rien changer de ses lois, devient pour les pécheurs le juste vengeur de leurs crimes. Je ne puis vous dire présentement tout ce qui serait nécessaire pour éclaircir à fond cette matière. Mais voici en peu de mots le dénouement de votre difficulté.

Dieu est sage. Il juge bien de toutes choses. Il les estime à proportion qu'elles sont estimables. Il les aime à proportion qu'elles sont aimables. En un mot, Dieu aime l'ordre invinciblement. Il le suit inviolablement. Il ne peut se démentir. Il ne peut pécher. Or, les esprits sont plus estimables que les corps. Donc (prenez garde à ceci), quoique Dieu puisse unir les esprits aux corps, il ne peut les y assujettir. Que la piqûre me prévienne et m'avertisse, cela est juste et conforme à l'ordre; mais qu'elle m'afflige et me rende malheureux, qu'elle m'occupe malgré moi, qu'elle trouble mes idées, qu'elle m'empêche de penser aux vrais biens, certainement c'est un désordre. Cela est indigne de la sagesse et de la bonté du Créateur. C'est ce que la raison me fait voir évidemment. Cependant l'expérience me convainc que mon esprit dépend de mon corps. Je souffre, je suis malheureux, je suis incapable de penser quand on me pique. Il m'est impossible d'en douter. Voilà donc une contradiction manifeste entre la certitude de l'expérience et l'évidence de la raison. Mais en voici le dénouement; c'est que l'esprit de l'homme a perdu devant Dieu sa dignité et son excellence. C'est que nous ne sommes plus tels que Dieu nous a faits. C'est que nous naissons pécheurs et corrompus, dignes de la colère divine, et tout à fait indignes de penser à Dieu, de l'aimer, de l'adorer, de jouir de lui. Il ne veut plus être notre bien ou la cause de notre félicité; et s'il est encore la cause de notre être, s'il ne nous anéantit pas, c'est que sa clémence nous prépare un réparateur par qui nous aurons accès auprès de lui, société avec lui, communion des vrais biens avec lui, selon le décret éternel par lequel il a résolu de réunir toutes choses dans notre divin chef, l'Homme-Dieu, prédestiné avant tous les temps. pour être le fondement, l'architecte, la victime, et le souverain prêtre du temple spirituel que la majesté divine habitera éternelle

ment. Ainsi la raison dissipe cette contradiction terrible et qui vous a si fort ému. Elle nous fait clairement comprendre les vérités les plus sublimes. Mais c'est parce que la foi nous conduit à l'intelligence, et que par son autorité elle change nos doutes et nos soupçons incertains et embarrassants en conviction et en certitude. XVIII. Demeurez donc ferme, Ariste, dans cette pensée que la raison fait naître en vous, que l'Etre infiniment parfait suit toujours l'ordre immuable comme sa loi, et qu'ainsi il peut bien unir le plus noble au moins noble, l'esprit au corps; mais qu'il ne peut l'y assujettir, qu'il ne peut le priver de la liberté et de l'exercice de ses plus excellentes fonctions, pour l'occuper malgré lui, et par la plus cruelle des peines, à perdre de vue son souverain bien pour la plus vile des créatures. Et concluez de tout cela qu'avant le péché il y avait en faveur de l'homme des exceptions dans les lois de l'union de l'âme et du corps. Ou plutôt concluez-en qu'il y avait une loi, qui a été abolie, par laquelle la volonté de l'homme était la cause occasionnelle de cette disposition du cerveau, dans laquelle l'âme est à couvert de l'action des objets, quoique le corps en soit frappé, et qu'ainsi elle n'était jamais interrompue malgré elle dans ses méditations et dans ses extases. Ne sentez-vous pas en vous-même quelques restes de cette puissance, lorsque vous êtes fortement appliqué, et que la lumière de la vérité vous pénètre et vous réjouit? Apparemment le bruit, les couleurs, les odeurs, et les autres sentiments moins pressants et moins vifs ne vous interrompent presque plus. Mais vous n'êtes pas supérieur à la douleur : vous la trouvez incommode malgré tous vos efforts d'esprit. Je parle de vous, Ariste, par moi-même. Mais pour parler juste de l'homme innocent et fait à l'image de Dieu, il faut consulter les idées divines de l'ordre immuable. C'est là que se trouve le modèle de l'homme parfait, tel qu'était notre père avant son péché. Nos sens troublent nos idées et fatiguent notre attention. Mais en Adam ils l'avertissaient avec respect. Ils se taisaient au moindre signe. Ils cessaient même de l'avertir à l'approche de certains objets, lorsqu'il le souhaitait ainsi. Il pouvait manger sans plaisir, regarder sans voir, dormir sans rêver à tous ces vains fantômes qui nous inquiètent l'esprit et qui troublent notre repos1. Ne regardez point cela comme des paradoxes. Consultez la raison, et ne Jugez point sur ce que vous sentez dans un corps déréglé, de l'état du premier homme, en qui tout était conforme à l'ordre immuable que Dieu suit inviolablement. Nous sommes pécheurs, et je parle de l'homme innocent. L'ordre ne permet pas que l'esprit soit 1. Van-Helmont, Imago Dei.

privé de la liberté de ses pensées lorsque le corps répare ses forces dans le sommeil. L'homme juste pensait donc en ce temps, et en tout autre, à ce qu'il voulait. Mais l'homme devenu pécheur n'est plus digne qu'il y ait à cause de lui des exceptions dans les lois de la nature. Il mérite d'être dépouillé de sa puissance sur une nature inférieure, s'étant rendu par sa rébellion la plus méprisable des créatures, non-seulement digne d'être égalé au néant, mais d'être réduit dans un état qui soit pour lui pire que le néant.

XIX. Ne cessez donc point d'admirer la sagesse, et l'ordre merveilleux des lois de l'union de l'âme et du corps, par lesquelles nous avons tant de divers sentiments des objets qui nous environnent. Elles sont très-sages. Elles nous étaient même avantageuses en tous sens en les considérant dans leur institution; et il est trèsjuste qu'elles subsistent après le péché, quoiqu'elles aient des suites fâcheuses; car l'uniformité de la conduite de Dieu ne doit pas dépendre de l'irrégularité de la nôtre. Mais il n'est pas juste, après la rébellion de l'homme, que son corps lui soit parfaitement soumis. Il ne le doit être qu'autant que cela est nécessaire au pécheur pour conserver quelque temps sa misérable vie, et pour perpétuer le genre humain jusqu'à la consommation de l'ouvrage, dans lequel sa postérité doit entrer par les mérites et la puissance du réparateur à venir; car toutes ces générations qui s'entre-suivent, toutes ces terres qui se peuplent d'idolâtres, tout l'ordre naturel de l'univers qui se conserve, n'est que pour fournir abondamment à Jésus-Christ les matériaux nécessaires à la construction du temple éternel. Un jour viendra que les descendants des peuples les plus barbares seront éclairés de la lumière de l'Évangile, et qu'ils entreront en foule dans l'Église des prédestinés. Nos pères sont morts dans l'idolâtrie, et nous connaissons le vrai Dieu et notre adorable Sauveur. Le bras du Seigneur n'est point raccourci. Sa puissance s'étendra sur les nations les plus éloignées; et peut-être que nos neveux retomberont dans les ténèbres lorsque la lumière éclairera le nouveau monde. Mais recueillons, Ariste, en peu de mots les principales choses que je viens de vous dire, afin que vous les reteniez sans peine, et que vous en fassiez le sujet de vos méditations.

XX. L'homme est composé de deux substances, esprit et corps. Ainsi, il a deux sortes de biens tout différents à distinguer et à rechercher, ceux de l'esprit et ceux du corps. Dieu lui a aussi donné deux moyens très-sûrs pour discerner ces différents biens, la raison pour le bien de l'esprit, les sens pour le bien du corps, l'évidence et la lumière pour les vrais biens, l'instinct confus pour les faux biens. J'appelle les biens du corps de faux biens, ou des

biens trompeurs, parce qu'ils ne sont point tels qu'ils paraissent à nos sens; et que, quoiqu'ils soient bons par rapport à la conservation de la vie, ils n'ont point en propre l'efficace de leur bonté : ils ne l'ont qu'en conséquence des volontés divines ou des lois naturelles, dont ils sont les causes occasionnelles. Je ne puis maintenant m'expliquer plus clairement. Or, il était à propos que l'esprit sentit comme dans les corps les qualités qu'ils n'ont pas, afin qu'il voulût bien, non les aimer ou les craindre, mais s'y unir ou s'en séparer selon les besoins pressants de la machine, dont les ressorts délicats demandent un gardien vigilant et prompt. Il fallait que l'esprit reçût une espèce de récompense du service qu'il rend à un corps que Dieu lui ordonne de conserver, afin de l'intéresser dans sa conservation. Cela est cause maintenant de nos erreurs et de nos préjugés. Cela est cause que, non contents de nous unir à certains corps et de nous séparer des autres, nous sommes assez stupides pour les aimer ou les craindre. En un mot, cela est cause de la corruption de notre cœur, dont tous les mouvements doivent tendre vers Dieu, et de l'aveuglement de notre esprit, dont tous les ju-gements ne se doivent arrêter qu'à la lumière. Mais prenons-y garde, et nous verrons que c'est parce que nous ne faisons pas de ces deux moyens dont je viens de parler, l'usage pour lequel Dieu nous les a donnés; et qu'au lieu de consulter la raison pour découvrir la vérité, au lieu de ne nous rendre qu'à l'évidence qui accompagne les idées claires, nous nous rendons à un instinct confus et trompeur, qui ne parle juste que pour le bien du corps. Or, c'est ce que le premier homme ne faisait pas avant son péché ; car sans doute il ne confondait pas les modalités dont l'esprit est capable avec celles de l'étendue. Ses idées alors n'étaient point confuses, et ses sens parfaitement soumis ne l'empêchaient point de consulter la raison.

Ou

XXI. L'esprit maintenant est aussi bien puni que récompensé par rapport au corps. Si on nous pique, nous en souffrons, quelque effo que nous fassions pour n'y point penser. Cela est vrai. Mais, comme je vous ai dit, c'est qu'il n'est pas juste qu'il y ait en faveur d'un rebelle des exceptions dans les lois de la nature, plutôt que nous ayons sur notre corps un pouvoir que nous ne méritons pas. Qu'il nous suffise que, par la grâce de Jésus-Christ, les misères auxquelles nous sommes assujettis, aujourd'hui seront demain le sujet de notre triomphe et de notre gloire. Nous ne sentons point les vrais biens. La méditation nous rebute. Nous ne sommes point naturellement touchés de quelque plaisir prévenant dans ce qui perfectionne notre esprit. C'est que le vrai bien mérite d'être

aimé uniquement par raison. Il doit être aimé d'un amour de choix, d'un amour éclairé, et non de cet amour aveugle qu'inspire l'instinct. Il mérite bien notre application et nos soins. Il n'a pas besoin, comme les corps, de qualités empruntées pour se rendre aimable à ceux qui le connaissent parfaitement; et s'il faut maintenant, pour l'aimer, que nous soyons prévenus de la délectation spirituelle, c'est que nous sommes faibles et corrompus; c'est que la concupiscence nous dérègle, et que pour la vaincre il faut que Dieu nous inspire une autre concupiscence toute sainte; c'est que pour acquérir l'équilibre d'une liberté parfaite, puisque nous avons un poids qui nous porte vers la terre, il nous faut un poids contraire qui nous relève vers le ciel.

XXII. Rentrons donc incessamment en nous-mêmes, mon cher Ariste, et tachons de faire taire non-seulement nos sens, mais encore notre imagination et nos passions. Je ne vous ai parlé que des sens, parce que c'est d'eux que l'imagination et les passions tirent tout ce qu'elles ont de malignité et de force. Généralement tout ce qui vient à l'esprit par le corps uniquement en conséquence des lois naturelles n'est que pour le corps. N'y ayons donc point d'égard. Mais suivons la lumière de la raison, qui doit conduire les jugements de notre esprit et régler les mouvements de notre cœur. Distinguons l'àme et le corps, et les modalités toutes différentes dont ces deux substances sont capables, et faisons souvent quelque réflexion sur l'ordre et la sagesse admirables des lois générales de leur union. C'est par de telles réflexions qu'on acquiert la connaissance de soi-même, et qu'on se délivre d'une infinité de préjugés. C'est par là qu'on apprend à connaître l'homme; et nous avons à vivre parmi les hommes et avec nous-mêmes. C'est par là que tout l'univers paraît à notre esprit tel qu'il est, qu'il paraît, dis-je, dépouillé de mille beautés qui nous appartiennent uniquement, mais avec des ressorts et des mouvements qui nous font admirer la sagesse de son auteur. Enfin c'est par là, ainsi que vous venez de voir, qu'on reconnait sensiblement, non-seulement la corruption de la nature et la nécessité d'un médiateur, deux grands principes de notre foi, mais encore une infinité d'autres vérités essentielles à la religion et à la morale. Continuez donc, Ariste, de méditer comme vous avez déjà commencé, et vous verrez la vérité de ce que je vous dis. Vous verrez que le métier des méditatifs devrait être celui de toutes les personnes raisonnables.

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ARISTE. Que ce mot de méditatifs me donne maintenant de confusion, maintenant que je comprends en partie ce que vous venez de me dire, et que j'en suis tout pénétré! Je vous ai cru,

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