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en Ukraine, en Volhynie et dans la Russie rouge, il s'était fait exécrer depuis longtemps du clergé grec et des paysans par son zèle de nouveau converti au catholicisme. Son père était mort dans la religion grecque. Jérémie avait bâti des églises, doté des couvents, payé des missionnaires. C'était un homme tout d'une pièce, un héros du moyen âge, plein de convictions robustes, et que rien n'eût détourné de sa route et de ce qu'il croyait son devoir. Courage, générosité, galanterie, il avait toutes les vertus chevaleresques avec ceux de sa caste, mais il était sans pitié pour ses malheureux vassaux. Les paysans russiens le trouvaient toujours dur, souvent cruel. Il voulait et croyait être juste envers une race abjecte qu'il détestait et méprisait, et comme vilains et comme hérétiques; mais accorder quelque chose à leurs plaintes lui semblait lâcheté et folie, comme céder aux caprices d'un cheval rétif. Jamais il n'y eût consenti, eût-il dû verser des flots de sang. Au surplus le sang d'un serf était pour lui comme de l'eau; et le sien, il était toujours prêt à le répandre pour son honneur, son pays et ses droits de gentilhomme. Dès qu'il eut appris la levée de bouclier de Chmielnicki, il rassembla ses gentilshommes et ses domestiques; c'était une petite armée. Il se mit à leur tête et s'apprêtait à rejoindre le général de la couronne, lorsque des Cosaques lui remirent une lettre que le vainqueur de Korsun lui adressait, pour l'engager à ne point prendre part à une querelle déjà jugée par le droit des armes. Pour toute réponse, Wiszniowiecki fit empaler les porteurs du message. Bientôt, cependant, il reconnut le danger de sa position. Déjà l'insurrection s'allumait derrière lui, et Krivonoss, un colonel de Cosaques, s'approchait avec un corps considérable. Wiszniowiecki, la rage dans le cœur, retourna sur ses pas, pour pourvoir à la sûreté de sa jeune femme et de son fils, qui se trouvaient alors à Lubny; mais, dès qu'il les eut mis à l'abri des fortifications du château de Wiszniowieç, d'où il tirait son nom, libre alors, avec une troupe peu nombreuse, mais dévouée, il se lança au plus fort de l'insurrection. Par la rapidité de ses marches et l'habileté de ses manœuvres, il surprit plusieurs rassemblements de paysans et en fit un horrible carnage. Imiter, surpasser même les cruautés des Haïdamaks c'était, pensait-il, faire justice; mais, ni les terribles représailles qu'il exerçait, ni son courage, ni ses talents militaires, ne pouvaient arrêter le soulèvement de tout un peuple. Sa troupe, diminuée par les combats et la désertion, se refusa bientôt à continuer une lutte trop inégale. Un village brûlé en faisait insurger dix autres, et cette guerre d'extermination devait être fatale au parti le moins nombreux.

Dans deux engagements meurtriers, Wiszniowiecki battit Krivonoss,

lui prit des drapeaux et fit quelques prisonniers, mais ces succès furent stériles. Après chaque victoire, il était contraint de céder du terrain aux révoltés. Un capitaine de Cosaques nommé Poloviane, fait prisonnier par lui et soumis, à plusieurs reprises, aux plus cruelles tortures, persista, sans jamais se dédire, dans une fable de son invention, dont le but était de forcer les Polonais à la retraite. A l'entendre, Chmielnicki s'avançait avec une armée innombrable, et toute la horde de Crimée le suivait. Pour prix de ce mensonge héroïque, Poloviane mourut sur le pal, mais, en mourant, il vit les Polonais abandonner presque toute la Volhynie. Wiszniowiecki lui-même, alarmé pour sa famille, se replia précipitamment sur Zbaraz, laissant Krivonoss poursuivre impunément ses ravages. Quelque idée qu'on se fasse de la méchanceté humaine, quelque persuadé qu'on soit que tous les crimes sont possibles à une populace ignorante et fanatique, croira-t-on, sur le témoignage des contemporains, aux immenses massacres qu'ils attribuent à ce chef sanguinaire? Ils rapportent qu'à la prise de Bar Krivonoss fit écorcher vivants 15,000 juifs. Credat Jadeus Apella. Que des hommes soient assez enragés pour imaginer parcil supplice, il faut bien l'admettre. En 1610, les bouchers de Paris offrirent au Parlement d'écorcher Ravaillac si soigneusement, qu'ils s'engageaient à le faire vivre trois jours. Mais, que, dans une ville prise d'assaut, on écorche 15,000 personnes, je déclare le fait impossible, non pas à la férocité, mais à la patience des plus stupides parmi les sauvages.

Pendant que le sang inondait les provinces russiennes, Chmielnicki immobile dans son quartier général de Biela-Cerkow, soufflait le feu de l'insurrection, tout en affectant de n'avoir aucune relation avec les Haïdamaks, qui pour la plupart cependant lui adressaient le rapport de leurs expéditions. Il négociait même avec la veuve de Vladislas et avec le gouvernement polonais. Après la mort du roi, le primat de Gnezne avait convoqué une diète extraordinaire, et, selon l'usage du pays, avait pris en main les rênes de l'administration. Le danger était si pressant, que, dès la première réunion de la diète, on décréta la levée d'une armée de 36,000 hommes, sans compter les milices de chaque province, Les troupes régulières, l'armée de la couronne, comme on l'appelait, ne devait être composée que de gentilshommes ou d'étrangers, car c'eût été grossir l'insurrection que d'armer les paysans. Au milieu de ces préparatifs arrivèrent à Varsovie les envoyés des Cosaques. Ils parurent devant la diète, non sans montrer beaucoup de timidité, et, après force protestations de leur attachement à la République, ils excusèrent leur prise d'armes, en disant qu'ils avaient reçu du feu roi l'ordre de cons

truire des barques pour faire la guerre aux Turcs, sous promesse de libertés nouvelles; qu'ils avaient obéi avec joie, mais que, traités bientôt avec la dernière cruauté par les seigneurs du pays, ils s'étaient vus contraints de repousser la force par la force.

Ils ne disaient que la vérité, mais leur déclaration provoqua aussitôt dans la diète une explosion violente. On accusa les conseillers du feu roi de trahir la patrie, de pactiser avec les Cosaques. Ossolinski et Kissel, nommément accusés, et non sans raison, comme on l'a pu voir, nièrent hardiment qu'ils cussent fait aucune promesse au nom de Vladislas. Ils soutinrent que les Cosaques cherchaient, par un mensonge odieux, à diviser la noblesse polonaise; mais ils admettaient en même temps que les plaintes de l'Ukraine n'étaient que trop fondées. A leur avis, il ne fallait pas précipiter la guerre. La paix, même au prix de quelques concessions, valait mieux que les mesures violentes. «Souvenez-vous du proverbe, disait Kissel, et ne prenez pas le loup par les oreilles. En se << servant du temps et des occasions, on a toujours raison des masses « populaires. >>

Ossolinski et Kissel furent absous par la majorité, et l'on décida qu'on traiterait avec les Cosaques. Le chancelier en prévint Chmielnicki par une lettre officielle adressée à l'armée zaporogue. Après avoir reproché vivement aux insurgés leur prise d'armes et leur alliance avec le kan de Crimée, la diète voulait bien leur promettre une amnistie complète, à condition qu'ils relâcheraient leurs prisonniers et donneraient satisfaction pour les excès dont ils s'étaient rendus coupables. On leur annonça également l'envoi d'une commission présidée par Kissel, qui prendrait connaissance de leurs griefs et prescrirait les mesures propres à rendre la tranquillité au pays.

Kissel, qui avait peut être rédigé cette lettre, et qui d'ailleurs promettait à Chmielnicki ses bons offices auprès de la diète, écrivait en même temps à la cour de Moscou dans un sens bien différent. I représentait que la révolte des serfs dans les provinces russiennes ne pouvait manquer de s'étendre à la Moscovie; que l'intérêt du Tsar, aussi bien que celui de la République, était d'étouffer au plus vite l'insurrection en Ukraine; et que, si les deux empires réunissaient leurs forces, ils feraient facilement rentrer dans le devoir cette race dangereuse et incorrigible des Cosaques, qui donnait un si funeste exemple.

Le courrier qui portait cette lettre au Tsar fut arrêté par un parti de Cosaques, et les dépêches furent remises à Chmielnicki. Vraisemblablement elles ne lui apprirent rien, quant à la bonne foi de Kissel. Néanmoins il ne fit aucune plainte. Son but était de gagner du temps

pour achever ses préparatifs militaires, et il était intéressé à prolonger les négociations. Il répondit donc en protestant comme ses envoyés de son amour de la paix et de son attachement à la République; mais, aux plaintes de la diète, il opposa les siennes. A l'entendre, c'était au seul Wiszniowiecki qu'il fallait attribuer les horreurs de cette guerre. C'était lui qui avait donné l'exemple des violences et des cruautés. Devait-on s'étonner qu'un demi-sauvage, tel que Krivonoss, se fût montré impitoyable dans ses représailles? Mais d'un prince Wiszniowiecki, on ne pouvait excuser les excès, en alléguant son ignorance et la bassesse de sa condition; et, en admettant qu'ils se fussent rendus coupables des mêmes crimes, devait-on juger le Cosaque aussi sévèrement que le palatin polonais? Pour faire parade de justice, Chmielnicki fit arrêter Krivonoss et le tint quelques heures enchaîné à un canon. Plusieurs bandits, étrangers au pays, furent décapités par son ordre. Mais bientôt Krivonoss, qui était pour lui un lieutenant utile, fut relâché et rentra en grâce. Les Haïdamaks continuèrent leurs ravages, et guidés, plutôt que contenus par les instructions de Chmielnicki, poussèrent des partis de fourrageurs jusque dans les environs de Varsovie.

Lorsque Kissel et la commission désignée par la diète voulurent se rendre en Ukraine, leur voyage fut retardé par des obstacles sans cesse renouvelés. Tantôt des bandes armées s'opposaient à leur passage; et beaucoup de temps se perdait à parlementer avec elles, bien que les commissaires montrassent des passe-ports revêtus du sceau de l'armée zaporogue, et qu'ils eussent une escorte de Cosaques réguliers. Tantôt on disait que les députés de l'Ukraine avaient été empalés à Varsovie, et la populace ameutée voulait massacrer les commissaires, en représailles. A chaque ville, à chaque village, leur arrivée excitait un rassemblement tumultueux, qui délibérait en armes sur le traitement qu'on devait leur faire. Arrivés, après des lenteurs infinies, à la frontière ukrainienne, les députés polonais apprirent tout à coup avec terreur que Chmielnicki était tout près d'eux avec une armée de plus de 80,000 hommes. Il leur faisait dire que tous ses efforts pour obtenir la paix avaient été inutiles, et qu'il ne pouvait s'opposer à la volonté de tout son peuple résolu de ne plus traiter avec la Pologne. Kissel, désespéré, n'essaya pas de le voir, et courut avec ses compagnons au camp polonais, qui venait de se former à Glinnie.

L'espoir d'une solution pacifique avait retardé les préparatifs militaires des Polonais. On sait que le général ou hetman de la couronne et le hetman de campagne étaient l'un et l'autre prisonniers chez les Tartares. Il avait fallu nommer d'autres chefs. Un moment on avait cru

que Wiszniowiecki obtiendrait le bâton de commandement; mais sa hauteur lui avait fait de nombreux ennemis, et il était trop fier pour s'abaisser à solliciter les suffrages de ses égaux. On eût regardé d'ailleurs comme dangereux de choisir un homme si connu par sa haine contre les Cosaques, dans un moment où l'on traitait avec eux. La diète désigna, pour commander l'armée de la couronne, le prince Dominique Zasławski, seigneur riche et puissant, plus connu par sa magnificence et son goût pour les plaisirs que par ses talents militaires. Ses lieutenants furent Koniepolski, jeune homme brave jusqu'à la témérité, mais aussi incapable que son chef de diriger les opérations d'une armée, et Nicolas Ostrorog, qui passait, à cette époque, pour un grand savant, parmi ses compatriotes, parce qu'il possédait une bibliothèque. Chmielnicki les connaissait, et ne les désignait à ses Cosaques que par des sobriquets méprisants. Il appelait Zaslawski l'homme au lit de plumes; Koniepolski était le bambin, et Ostrorog, le latiniste.

Wiszniowiecki, indigné de la préférence donnée par la diète à des hommes si médiocres, avait juré d'abord de demeurer tranquille spectateur de la lutte qui se préparait, mais, au premier bruit de guerre, son ardeur martiale l'emporta sur son ressentiment, il reprit ses armes, leva quelques troupes, et se mit en campagne, déterminé à faire la guerre pour son propre compte, et sans prendre les ordres du général de la diète.

L'armée de la couronne n'avait guère plus d'estime que lui pour les chefs qu'on lui avait donnés. Un assez grand nombre de gentilshommes, au lieu de se rendre au quartier général de Zasławski, à Glinnie, étaient allés se joindre au prince Wiszniowiecki, et leur exemple avait été suivi même par quelques capitaines étrangers, en sorte que l'armée de la couronne se trouvait, et pour le nombre et pour la qualité des soldats, fort inférieure à l'effectif prescrit par la diète. Elle était, en outre, affaiblie par une énorme quantité de bagages et une multitude de non.combattants. Selon l'usage de leur pays, les seigneurs polonais s'entouraient, même en campagne, d'un luxe extravagant, supérieur peut-être à celui de leurs palais fastueux. Il fallait pour un capitaine, et même pour un simple hussard', plusieurs chariots portant une tente, des meubles, souvent une vaisselle d'argent, outre des provisions de toute espèce. Les brides, les étriers, étaient d'argent massif. Les schabraques de ve

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1 On appelait hussards, depuis Étienne Bathori, des escadrons de gentilshommes, revêtus d'une armure complète, et suivis, comme nos gendarmes du moyen âge, de plusieurs serviteurs, gentilshommes comme eux.

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