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Niese1) et Herzog 2) se prononcent pour les dernières années du IIIe siècle ou les premières du II.

Cardinali, dans un de ces mémoires excellents où il a si finement débrouillé et si clairement exposé l'histoire de la Crète aux temps hellénistiques"), tient ferme, de même que Blass, pour l'année 1934), en sorte que les décrets crétois seraient contemporains de la lettre du préteur Messalla. C'est un retour à l'opinion ancienne, celle de Boeckh et de Waddington). laquelle faisait loi pour tout l'ensemble des actes relatifs à l'aoviía de Téos. jusqu'au jour où les observations de Wilhelm obligèrent de mettre à part ceux qui émanent des peuples de la Grèce centrale.

Il faut convenir qu'à première vue cette opinion a peu de vraisemblance. On comprend que, pour des raisons particulières (qui se laissent découvrir et que j'indiquerai à la fin de ce mémoire), les Téiens n'aient demandé que tardivement aux Romains de reconnaître l'inviolabilité de leur ville; mais ce qu'on s'explique beaucoup moins, c'est qu'ils n'aient point fait. auprès de tous les Etats grecs, des démarches presque simultanées, et qu'ils aient laissé s'écouler dix ans ou davantage entre l'envoi, dans la Grèce centrale, de Pythagoras et de Kleitos, et l'envoi, en Crète, d'Apollodotos et de Kolotès. Remarquons, d'autre part, qu'aucun lien nécessaire ne rattache à la lettre de Messalla les décrets des cités crétoises. Pour établir ici un synchronisme. on se trouve réduit à un seul argument. lequel est d'une faiblesse extrême: on allègue l'identité d'écriture; on répète, après Waddington, que toutes les inscriptions [crétoises] de la première série [61 à 74] ont été gravées. . . en caractères exactement semblables à ceux du no. 60 [lettre de Messalla]"6). Mais que suit-il de là? Simplement que le no. 60 et les nos. 61-74 ont, comme le disait Waddington, été transcrits à la fois par les Téiens sur les murailles

1) Niese, Gesch. der griech. und maked. Staaten, II, p. 571, note 4.

2) Herzog, Klio, II, p. 329, note 4; p. 332, note 1.

3) Riv. di Storia Ant., IX (1904), p. 69 et suiv. (Creta e le grandi potenze Ellenistische sino alla guerra di Litto); Riv. di Filol., XXXIII (1905), p. 519 et suiv. (La guerra di Litto); Riv. di Filol., XXXV (1907), p. 1 et suiv. (Creta nel tramontano dell' Ellenismo).

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4) Riv. di Filol., XXXV (1907), p. 13, note 2: Ma noi teniamo fermo al 193, perchè, sebbene sia vero che i decreti dei Delfii, degli Atamani e degli Etoli relativi a questa stessa asilia di Teo vanno posti non nel 193, ma alla fine del III sec. (v. Wilhelm); resta d'altra parte assai probabile, che quelli Cretesi della prima serie, siano contemporanei alla lettera di M. Valerio Messalla . . .“ Cf. Blaß, Dial. Inschr., III, 2, p. 397, avant le no. 5165.

5) Boeckh, CIG, II, p. 632 (ad no. 3046); Waddington, III, p. 28; cf. Barth, De Graecorum asylis, p. 52 et suiv.; Scheffler, De rebus Teiorum, p. 80, etc. 6) Cardinali, ibid., p. 13, note 2: Blaß, Dial. Inschr., III, 2. p. 398 (ad no. 5165). Cf. Waddington. III. p. 29 (ad no. 60).

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de leur temple; de l'identité d'écriture il n'y a rien de plus à tirer 1); or, transcription et rédaction sont sans doute deux choses, et qu'il y a lieu de distinguer. Donc, ce fantôme d'argument est négligeable; et, pour conclure, la doctrine de Cardinali renferme un postulat et un paradoxe, celui-ci étant la conséquence de celui-là: car elle rapproche, sans démonstration préalable et sans motifs apparents, la lettre écrite à Rome des décrets votés en Crète, et elle sépare, contrairement à tout ce qu'on attendrait, par un large intervalle de temps, ces décrets votés par des villes grecques d'autres qui ont une origine semblable).

„La plupart des réponses faites [par les Grecs] aux gens de Téos, dit G. Colin, doivent dater de la même période 3)." C'est le langage du bon sens. Tandis que rien n'oblige à croire que les réponses des Crétois furent contemporaines de celle du préteur Messalla, la raison veut qu'elles l'aient été, ou à très peu près, de celles des Aitoliens, des Amphiktions, des Delphiens, etc. Il est légitime, a priori, de les attribuer, comme ces dernières, à la fin du IIIe siècle. Et l'on peut, en effet, par une analyse attentive, établir que telle est bien leur date.

Comme le savent tous ceux qui ont parcouru la „série ancienne" des décrets crétois concernant l'aovía de Téos, huit de ces décrets mentionnent, en même temps que la présence en Crète des ambassadeurs téiens, Apollotos et Kolodotès, celle d'un certain Perdikkas (remarquer ce nom macédonien). Il importe de relever avec soin ce qu'ils nous apprennent de ce personnage.

1. C'est le „roi Philippe", c'est-à-dire Philippe V, qui l'avait délégué en Crète, en qualité d'ambassadeur. Dans sept décrets, il est ainsi désigné: Περδίκκας, ὁ παρὰ τοῦ βασιλέως Φιλίππου πρεσβευτάς (Faxos, Sybrita, [Latos]). Latos près Kamara, Istron, Arkadiens, Allaria). Celui d'Eleutherna n'est pas moins précis: on y lit: Περδίκκας, ὁ παρὰ τῷ βασι λέως Φιλίππω πεμφθείς.

1) Waddington ni Wilhelm n'indiquent que les décrets des Aitoliens, des Athamanes, etc. présentent une écriture sensiblement différente de celle de la lettre de Messalla, ce qui n'empêche pas qu'ils soient d'au moins dix ans plus anciens que cette lettre.

2) Il est clair que cette dernière critique s'adresse pareillement au système de Deiters, puisque celui-ci, reculant jusqu'en 220-216 la date des décrets crétois (Rhein. Mus., LIX, p. 579), les considère comme antérieurs d'au moins treize années à ceux des peuples de la Grèce centrale.

3) Fouilles de Delphes, III (Epigraphie), 2, p. 136, note 1.

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4) Le décret de Latos (Wadd., III, 67 Collitz-Blaß, 5171) est, comme on sait, devenu illisible dans sa partie moyenne (1. 8-19); mais celui de Latos près Kamara (Wadd., III, 74 = Collitz-Blass, 5180) en offre une répétition presque littérale. Perdikkas était mentionné une première fois aux 1. 14-16 (cf. 1. 22) du premier décret, lesquelles sont perdues.

2. Avant de se rendre en Crète, Perdikkas avait séjourné à Téos. La preuve en est que, par trois fois, il est dit citoyen de cette ville: Περδίκκας ὁ πολίτης αὐτῶν [se. Teiorum] (Istron, Arkadiens); [Περδίκκας ò vμέTEQoS лоλí]tas1) (Sybrita). C'est durant son séjour parmi eux que les Téiens lui avaient conféré la 70ĥITɛíα.

3. Le décret de Sybrita montre bien quel était le rôle attribué, en Crète, à Perdikkas auprès d'Apollodotos et de Kolotès). On y trouve ces mots: Пodizzas... ¿лeì arrois [sc. Apollodoto et Colotae] ovvε[πρέσβευσεν]). . . Ainsi Perdikkas était le συμπρεσβευτής) des deux Téiens; il leur avait été adjoint; ambassadeur de Philippe, il était officiellement attaché à l'ambassade du peuple de Téos.

4. Puisque la présence de Perdikkas à Téos est attestée antérieurement à sa venue chez les Crétois, il n'y a point à douter qu'il ne fût parti de Téos avec Apollodotos et Kolotès et n'eût fait route avec eux jusqu'en Crète.

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5. Là, il accompagna Apollodotos et Kolotès. non point dans toutes les villes qu'ils visitèrent nous reviendrons sur ce fait et nous en chercherons la raison mais dans un grand nombre de ces villes: par exemple, à Faxos, à Sybrita, à Latos près Kamara, à Latos, à Istron. à Eleutherna, chez les Arkadiens, à Allaria. Dans chacune, il se présenta aux magistrats et à l'assemblée en même temps que les deux Téiens, plaida la cause de leur cité, joignit ses instances aux leurs: 7ɛgì dì tăr αὐτῶν διαλεγέντος μετὰ πάσης σπουδῆς καὶ προθυμίας καὶ τοῦ παρὰ τοῦ βασιλέως Φιλίππου πρεσβευτα Περδίκκα καθότι παρακαλεῖ ὁ δῆμος ὁ

1) Waddington, III, 66

ὑμῶν? . . . πολίτας.

=

Collitz-Blaß, 5170, 1. 10-11: [zai IIɛodizzas i

2) On s'est imaginė, je ne sais pourquoi, que Perdikkas résidait en Crète d'une manière permanente (cf. Herzog, Klio, II, p. 329, note 4: Philipp unterhält in dieser Zeit [201--197] einen ständigen Gesandten, Perdikkas, in Kreta“; Scheffler, De reb. Teiorum, p. 29–30: Philippus rex, item per legatum suum Perdiccam in Creta commorantem, Teios commendavit“); il n'y a rien dans nos documents qui autorise cette supposition.

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3) Waddington (III, 66= Collitz-Blaß, 5170) restitue (1.5—6): έñɛì avroiz ovvé[3η åμa Fridquɛiv]. C'est un mauvais supplément que personne ne défendra. Il offre un sens un peu comique: comment admettre qu'à huit reprises, il soit „arrivé“, sans qu'ils eussent rien prémédité, à Perdikkas et aux ambassadeurs de Téos de faire ensemble séjour" dans la même ville? Ce n'est qu'à notre époque que des voyageurs esclaves du même „circulaire", étant partis fortuitement, le même jour, par le même train, se rencontrent, fortuitement aussi, à toutes les étapes du parcours.

4) Pour la valeur de ce terme, cf. le décret de Lampsaque en l'honneur d'Hégésias (Dittenberger, Sylloge, 276= Michel, 529), notamment l. 44-45: лageστήσατο αὐτοὺς καὶ ἔπραξεν ὅπως τύχοι (?) πρεσβευτῶν εἰς τὸ συμπρεσβεύσασθαι μεθ ̓ αὑτοῦ .... εἰς Ῥώμην.

Tηion xaì Пlɛodizzas ó roλítyg avtor (Istron; cf. Faxos, [Latos], Latos près Kamara, Eleutherna, Arkadiens, Allaria). A Sybrita, il fit encore mieux? c'est lui-même qui, se substituant à Apollodotos et à Kolotès, remit aux kosmoi, en leur place, le décret de Téos dont ils étaient porteurs, et c'est lui seul, semble-t-il, qui harangua le peuple. Dans le fait, cе бνμлqεóBevτns apparaît, partout où il est signalé, comme le principal personage et le chef véritable, ou mieux comme le patron de l'ambassade: c'est lui qui guide, introduit, accrédite, recommande les députés de Téos. Cardinali s'exprime avec beaucoup d'exactitude lorsqu'il écrit: „Alcuni dei decreti cretesi ricordano, accanto agli ambasciatori dei Teii, come patrocinatore della causa di costoro, un ambasciatore di Filippo, Perdicca. . . 1).

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6. Le même critique ajoute très justement: „ed alcuni anzi rilevano in speciale maniera il peso che nella deliberazione favorevole ai Teii ebbe l'influenza di costui"). Il est évident, en effet, que l'assistance de Perdikkas fut précieuse aux Téiens. Ceux des Crétois auxquels il s'adressa l'écoutèrent avec une déférence extrême3). Dans cinq décrets (Sybrita, Latos, Latos près Kamara, Istron, Arkadiens)*), il est dit en termes exprès que la concession de Γασυλία a été décidée afin de lui complaire (βωλόμενοι χαρίζεσθαι Περδίκκαι), c'est-à-dire afin de complaire au roi Philippe qu'il représente. Et tout porte à penser qu'il en fut ainsi alors même que la chose n'a pas été dite.

7. Pas un mot, dans nos inscriptions, n'indique que Perdikkas eût été envoyé en Crète à d'autres fins que de prêter appui aux Téiens. Si sa mission, comme, il est possible, eut encore un objet différent, cet objet ne nous a point été révélé.

Certains des faits ainsi constatés ne laissent pas d'être un peu singuliers. La présence à Téos de Perdikkas, officier ou fonctionnaire au service de Philippe, est au moins inattendue: et. d'autre part, on a le droit d'être surpris du grand zèle mis par Philippe lui-même à servir les intérêts des Téiens): entre le roi de Macédoine et la cité ionienne. 2) Ibid., p. 14.

1) Ibid., p. 13-14. Cf. Niese, II, p. 571, note 4.

3) Il n'y a, comme on le verra plus loin (p. 154), de réserves à faire que pour Eleutherna.

4) Cardinali (p. 14, note 1) fait observer que les décrets de Latos (et Latos près Kamara), d'Istron et des Arkadiens, dont la teneur est presque identique, peuvent avoir été rédigés d'après un modèle commun qu'aurait fourni Perdikkas. L'hypothèse est plausible.

5) Sur ce point, l'embarras de Scheffler (De reb. Teiorum, p. 29-30) est visible: „Denique quod Philippus... Teios commendavit, ex hoc nihil apparere mihi videtur nisi Philippum, quem regnum Asiae appetiisse satis est notum, Graecas urbes sibi conciliare studuisse". Celui de Niese (II, p. 572, note 1) ne paraît pas moindre: „Hier à propos des événements de 204] kann man auch die in den kretischen Dekreten für Teos hervortretende Freundschaft Philipps mit Teos erwähnen.“

on n'aperçoit pas d'abord comment purent se former des relations si étroites. Visiblement, les événements dont il s'agit se sont produits à la faveur de circonstances assez particulières. Il faut essayer de se représenter celles-ci; on le peut faire sans doute de plus d'une façon1); mais la plus naturelle me paraît être la suivante.

Dans le temps que les Téiens projettent d'expédier une ambassade aux Crétois, Philippe V se trouve en Asie mineure, où l'a suivi Perdikkas, un de ses hommes de confiance. Téos est tombée dans la dépendance du roi, soit qu'il l'ait contrainte de se soumettre, soit qu'il se borne à la traiter en cité cliente et protégée". Lors de son arrivée en Asie, ou même précédemment 2), Philippe a consenti de reconnaître la consécration qu'avaient faite les Téiens de leur ville à Dionysos: devenu leur suzerain ou leur protecteur, il doit souhaiter qu'elle soit reconnue par d'autres et y appliquer ses soins3). L'influence qu'il exerce en Crète est considérable; c'est pourquoi les Téiens le prient de fortifier de son patronage l'ambassade qu'ils ont dessein d'y envoyer. -- Il ne peut qu'agréer une telle requête: il donne done ordre à Perdikkas de se rendre à Téos1),

1) Ce n'est pas, toutefois, que le champ ouvert à l'hypothèse soit illimité. Si l'on repoussait l'explication que je propose ci-après, on ne pourrait guère y substituer que celle-ci: Philippe est en Macédoine. - Les ambassadeurs de Téos, Pythagoras et de Kleitos, arrivant d'Aitolie ou d'Athamanie, viennent l'y trouver. — Le roi accède aux demandes des Téiens et leur accorde le droit d'asile. Sachant combien est grand son ascendant sur les Crétois, Pythagoras et Kleitos le prient d'envoyer à Téos un représentant, lequel se joindra aux députés téiens prêts à partir pour la Crète. Cédant à cette prière, Philippe délégue à Téos Perdikkas. Celui-ci s'embarque avec Pythagoras et Kleitos, qui rentrent dans leur patrie, puis repart de Téos pour la Crète, en compagnie d'Apollodotos et de Kolotės. Je tiendrais ce système pour beaucoup moins vraisemblable que celui que j'expose dans le texte; mais les conclusions chronologiques auxquelles il conduirait seraient à peine différentes: l'ambassade de Pythagoras et de Kleitos se plaçant vers 203, on ne pourrait guère remonter plus haut que cette année-là, et l'on ne pourrait descendre plus bas que 197, date après laquelle la venue à Téos d'un émissaire de Philippe serait impossible.

2) C'est le plus probable. Je pense que la même ambassade tèienne, qui en 203, visita les Etats de la Grèce centrale (l'Aitolie, l'Amphiktionie, Delphes, l'Athamanie), poussa jusqu'en Macédoine.

3) Comp. ce qui est dit de Séleukos II dans le célèbre décret de Smyrne (Dittenberger, OGI, 229), 1. 11--12: ἔγραψεν δὲ καὶ πρὸς τοὺς βασιλεῖς καὶ τοὺς δυνάστας καὶ τὰς πόλεις καὶ τὰ ἔθνη ἀξιώσας ἀποδέξασθαι τό τε ἱερὸν τῆς Στρατονικίδος Αφροδίτης ἄσυλον εἶναι καὶ τὴμ πόλιν ἡμῶν ἱερὰν καὶ ἄσυλον . .

4) Il est possible à la vérité, que Perdikkas y résidât déjà. C'est, suivant toute apparence, au moment de son départ pour la Crète que les Téiens l'honorèrent du droit de cité. Scheffler (De reb. Teiorum, p. 29, not. 12) écrit: „Perdiccas erat Teius civis, videlicet nuorointos, quia, ut opinor, jam prius Teiis benefecerat“. Je crois plutôt que les Téiens l'ont récompensé, par avance, du service qu'il leur allait rendre en secondant les efforts de leurs ambassadeurs.

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