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saient le roi aux Rhodiens (et que n'altéra même pas, en 197, la démonstration menaçante de la flotte rhodienne dans les eaux de Cilicie)1) expliquent assez que, d'un côté comme de l'autre, on eût facilement agréé sa médiation. Et quant au choix qu'aurait fait Antiochos d'un Rhodien comme négociateur, on ne peut nier qu'il eût assez bien répondu aux circonstances.

Si ces vues sont justes, on pourra ranger Rhaukos et Lappa au nombre des premières villes crétoises qui, après s'être séparées de Philippe, traitèrent avec les Rhodiens. Hagésistratos paraît y avoir été persona grata): on a donc droit de penser que ses ouvertures y furent favorablement accueillies. Knossos, Polyrrhénia et Kydonia, cités qui s'étaient soustraites aussi à la tutelle de Philippe (à moins qu'elles n'eussent réussi à se maintenir indépendantes), ont dû se conformer pareillement aux conseils pacifiques qui leur furent apportés de Syrie. Perdikkas ni Hagésisastros n'étant nommés dans les actes par lesquels ces villes reconnurent laoria de Téos, Cardinali est d'avis qu'elles échappaient à toute influence étrangère" 3): mais cette conclusion est trop absolue et ne vaut que pour la Macédoine: rien n'empêche qu'Hagésistratos soit venu chez les Knossiens, les Polyrrhéniens et les Kydoniates, avant ou après le passage des envoyés téiens, et qu'il ait réussi à s'en faire écouter.

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1) Remarquer, en effet, qu'à Lysimachia (aut. 196), Antiochos consent que son différend avec les villes de Smyrne, de Lampsaque et d'Alexandrie Troas soit soumis à l'arbitrage des Rhodiens (Polyb., XVIII, 52, 4); un peu plus tard, il leur cède Stratonicée (Polyb., XXX, 31, 6; cf. Niese, II, p. 640–641). Dans son récit de l'affaire de Korakésion, T. Live (XXXIII, 20, 7) s'exprime ainsi : legatos se [Antiochus] Rhodum missurum respondit iisque mandaturum, ut renovarent vetusta iura cum ea civitate sua maiorumque suorum eqs. On pourrait conclure de ces mots que, jusque là (été 197), Antiochos n'avait pas entretenu de relations avec les Rhodiens; mais je ne doute pas qu'ici T. Live ait inexactement traduit Polybe: au verbe renovare devait correspondre, dans le texte grec, le verbe άvavɛovóðar, lequel, chez Polybe et dans les documents contemporains, signifie le plus souvent, non pas „renouveler" mais „rappeler“. La phrase originale était une pure formule de style, dont l'équivalent se rencontre souvent dans les inscriptions, par exemple: ἀνανεώσασθαι τὰ (τινό) προϋπάρχοντα διὰ προγόνων πρός (τινα) τίμια καὶ φιλάνθρωπα.

2) Cardinali (ibid., p. 14, note 1) pense que les décrets de Rhaukos et de Lappa, dont le libellé est presque identique, ont été rédigés par Hagėsistratos. C'est ce qu'on peut admettre sans difficulté. La chose me paraît plus douteuse pour le décret d'Eleutherna, dont le texte présente d'importantes différences avec celui des deux autres.

3) Ibid., p. 14, note 1. Si le traité entre Rhodes et Hiérapytna tombe vers l'an 200, comme le veut Cardinali (voir ci-dessus, p. 152, note 1), il faut admettre qu'à cette époque Knossos avait déjà fait sa paix avec les Rhodiens; c'est ce que démontrent les 1. 74 et suiv. du traité ici rappelé (cf. Cardinali, ibid., P. 10-11).

Klio, Beiträge zur alten Geschichte XIII 2.

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Eleutherna offre un cas particulier et plein d'intérêt: les deux ambassadeurs royaux, le syrien et le macédonien, s'y trouvèrent ensemble et y parlèrent successivement en faveur de Téos. La présence de Perdikkas prouve que la ville, à la différence des cinq précédentes, était encore unie d'amitié à la Macédoine. Mais quel fut le résultat de la visite d'Hagésistratos? Endoctrinés par lui, les Eleuthernaiens renoncèrent-ils à la guerre contre Rhodes, ce qui, dans le fait, équivalait, ou peu s'en faut, à rompre avec Philippe? Nous l'ignorons et, à moins de découvertes nouvelles, nous l'ignorerons toujours. Toutefois, sur quelques indices, qu'à la vérité on peut estimer légers, je serais tenté d'admettre qu'au moment où fut rendu le décret pour Téos, l'influence de la Syrie commençait, à Eleutherna, de supplanter celle de la Macédoine. Il est notable que Perdikkas, bien que ovuлgεбßevτηc d'Apollodotos et de Kolotès, ne harangua l'assemblée que le quatrième, cédant le pas à Hagésistratos. Peut-être n'est-il pas moins digne de remarque que, dans le décret, contrairement à l'usage, mention n'est faite de lui qu'avec la plus sèche brièveté, tandis que la belle phrase redondante qui, d'ordinaire, rappelle son intervention, célèbre maintenant celle de l'envoyé d'Antiochos. On a peine à se défendre de l'impression que les Eleuthernaiens firent une réception plus chaude à celui-ci qu'à son collègue; et l'on imaginerait volontiers qu'ils se laissèrent pousser par lui à une réconciliation avec les Rhodiens.

Il me faut ici prévenir une objection qu'on m'opposera certainement. On me rappellera -ce que je n'ai garde d'oublier qu'en 201, il y avait environ deux ans qu'Antiochos et Philippe avaient fait alliance contre l'Egyte; et l'on me fera observer qu'en débarrassant les Rhodiens, adversaires de Philippe, des périls et des alertes de la guerre crétoise", en s'efforçant de rapatrier avec eux, non seulement ceux des Etats de l'île qui s'étaient détachés de la Macédoine, mais ceux mêmes qui, comme Eleutherna, lui gardaient encore quelque fidélité, Antiochos eût rempli d'étrange manière ses devoirs d'allié. Je n'en disconviens pas: en jouant ce rôle de médiateur que je lui ai prêté, le roi de Syrie, s'il ne contrecarrait pas ouvertement la politique de Philippe car on n'a nulle preuve que les Crétois fussent tenus, par des engagements en forme et publiquement déclarés, de lui servir d'auxiliaires contre Rhodes1) n'en portait pas moins à ses

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1) Une alliance, officielle et patente, de Philippe et des Crétois contre Rhodes n'a certainement pas existé avant les événements de Kios (été 202); c'est la prise et le sac de cette ville qui décidèrent les Rhodiens à rompre avec le roi (Polyb., XV, 22, 6; cf. Holleaux, Rev. Ét. Gr., XII (1899), p. 36; Cardinali, ibid., p. 6 et note 5). Aussi bien, Polybe indique nettement (XIII, 4, 2; cf. 5, 1 et 3, à rapprocher de Polyaen. ( Polyb.), V, 17 [2]) que les intrigues ourdies en Crète, à partir de 205/204, par Philippe contre les Rhodiens étaient enveloppées d'un mystère profond. Il est vrai que dans les lettres aux Crétois, authentiques ou fabriquées, qu'Hérakleidès de Tarente communiqua aux prytanes

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intérêts le préjudice le plus certain et le plus sensible. Mais je pense que cette considération, loin de déplaire à Antiochos, eût été plus propre à le stimuler qu'à l'arrêter. Ce qu'on doit ne pas oublier, en effet, c'est que les deux rois, associés, depuis la mort de Philopator, pour le partage de l'empire égyptien, étaient des alliés comme l'histoire en connaît beaucoup, des alliés à peu près de même sorte et aussi dévoués l'un à l'autre que, par exemple, Frédéric et Marie-Thérèse, associés pour le partage de la Pologne. Unis, en apparence et pour un court moment, par la seule nécessité politique, mais animés tous deux d'une ambition trop âpre pour ne point demeurer rivaux, ennemis dans le fond, et pareillement armés de ruse, ils firent, durant deux années, assaut de tromperies, s'entravant, se gênant, se nuisant du mieux qu'ils pouvaient αὐτῶν παρασπονδούντων ἀλλήλους, dit Polybe1). Philippe, en dépit du traité qui le liait à la Syrie, ne se fit pas faute d'entretenir longtemps des relations suspectes avec les régents alexandrins2); dans sa campagne d'Asie, dont l'histoire approfondie n'a pas encore été faite, il montra pour les possessions égyptiennes des ménagements inattendus, cependant qu'il traitait en maître les cités vassales du Séleucide, qu'il trouvait à sa portée et à sa convenance3). Il est vrai qu'il eût pu alléguer pour son excuse que les agents d'Antiochos, exécuteurs avisés des volontés secrètes de leur maître, lui refusaient le concours garanti par le pacte d'alliance). Quant à Antiochos lui-même, de Rhodes, Philippe συντίθεται κατὰ Ῥοδίων τὸν πόλεμον ἐξοίσειν (Polyaen., ibid.); mais cet engagement, d'ailleurs secret, ne fut pas tenu. Ce n'est pas Philippe qui fit la guerre à Rhodes, mais Rhodes à Philippe.

1) Polyb., XV, 20, 6.

2) Voir, dans Polybe, ce qui concerne la mission de Ptolémée, fils de Sosibios, en Macédoine et le long séjour (d'un an au moins: 202/201) qu'il fit à la cour de Philippe: Polyb., XV, 25, 13; XVI, 22, 3-5. La politique de Philippe à cette époque n'a fait l'objet d'aucune étude approfondie. Je ne doute guère, quant à moi, qu'il n'ait joué double jeu, se donnant à Alexandrie pour l'allié de l'Egypte, et à Antioche pour l'allié de la Syrie. Il est trop commode de déclarer, avec Niese (II, p. 577–578), que les démarches faites auprès de lui, sur l'ordre d'Agathoklės (Polyb., XV, 25, 13), n'aboutirent à rien. L'attitude de l'Egypte à son égard, que les historiens ne savent comment expliquer (cf. Bouché-Leclercq, Hist. des Lagides, I, p. 354-355), serait, en effet, inintelligible, si les régents alexandrins n'avaient reçu de Macédoine au moins des promesses. Mais cela veut d'assez longues explications.

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3) Cf., à ce sujet, les indications que j'ai données dans BCH, XXVIII (1904), p. 353, note 2, p. 354, note 1. Occupation (?) par Philippe d'une ville (probablement Hiéra-Komé) voisine de Thyatire: BCH, XI (1887), p. 104 Clerc, De reb. Thyatir., p. 15; cf. Wilhelm, Beitr. z. griech. Inschriftenk., p. 120; entreprises contre Mylasa: Polyb., XVI, 24, 7; ravages sur le territoire d'Alabanda: occupation de Stratonicée: Liv. (= Pol.), XXXIII, 18; 30, 11 (Antias); cf. BCH, XXVIII (1904), p. 361, note 1.

XVI, 24, 8;

4) Voir, dans Polybe, ce qui est dit des rapports de Zeuxis, satrape de Lydie, avec Philippe: Polyb., XVI, 1, 8-9.

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on n'ignore pas sans doute avec quelle sérénité il vit Rome s'acharner contre Philippe, et que le soin qu'il prit de ne point secourir le Macédonien aux abois n'eut d'égal que son empressement à s'approprier ses dépouilles. Croire que, dans l'affaire crétoise. il aurait eu scrupule à créer des embarras à son allié, ce serait lui faire honneur d'une délicatesse vraiment bien imprévue.

IV.

Je voudrais, en terminant, examiner encore cette question; Pourquoi les Téiens tardèrent-ils jusqu'en 193 à faire déclarer par le Sénat leur ville ἱερὰ καὶ ἄσυλος

On s'explique facilement qu'ils n'aient pas pris d'abord grand souci des Romains. La paix avait été conclue en 205/204, à Phoiniké, puis à Rome, entre le Sénat et Philippe. Rien, au moins jusqu'à la défaite d'Hannibal, ne permettait d'en prévoir la rupture et, moins encore, l'intervention prochaine et active des Romains dans les affaires d'Orient. Rome, dans les temps précédents, n'avait semblé prêter aucune attention aux Hellènes d'Asie, qui n'avaient donc point à se préoccuper d'elle. Aussi n'est-il pas surprenant que, tandisque leurs ambassades parcouraient tout le monde grec. les gens de Téos ne se soient pas mis en peine d'en expédier une au Sénat. Mais. à l'automne de l'année 200, la situation politique s'était tout d'un coup modifiée: le consul Sulpicius avait débarqué deux légions en Illyrie: la guerre de Macédoine recommençait. On devait s'attendre, pour peu qu'on eût de clairvoyance, à une action combinée des escadres romaine, pergaménienne et rhodienne dans la mer Aigée action qui s'étendrait probablement jusqu'aux rivages de l'Asie1), où Philippe conservait mainte possession que les coalisés tenteraient sans doute de lui arracher. L'orage que, dès 210, l'Akarnanien Lykiskos voyait monter de l'Occident, menaçait ainsi de crever sur l'Orient. Il était sage de se mettre à l'abri: il importait d'obtenir, au plus vite, du gouvernement romain qu'il garantît, en déclarant la ville sainte et sacrée, l'inviolabilité et la neutralité de Téos), comme avaient fait les autres belligérants, Philippe, et aussi, sans aucun doute, Attale et les Rhodiens.

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Tel était bien, on peut le croire l'avis des Téiens: mais leur embarras était grand. Depuis 201, on l'a vu, ils dépendaient de Philippe c'est-à-dire du pire ennemi de Rome, et ils continuèrent probablement d'en dépendre jusqu'en 196. Durant tout ce temps, comment se fussent-ils

1) Philippe lui-même, dès l'été de 200, prêtait aux alliés le dessein de l'attaquer en Asie, après avoir coupé ses communications maritimes: Polyb., XVI, 29, 1—2. 2) Sur la „neutralisation" des cités grecques, à l'époque hellénistique, par le moyen de l'ovia, cf. l'article classique d'Usener, Rhein. Mus., XXIX (1874), p. 38-39: (Holleaux, Rev. Ét. Gr., XII (1899), p. 360).

Au

mis en rapports avec le Sénat? Philippe n'y aurait pas consenti. reste, l'eût-il, par impossible, toléré, que les Téiens se seraient trouvés bien empêchés de profiter de cette tolérance. Nullasdum in Asia socias civitates habebat populus Romanus ), dit T. Live en relatant des événements de l'an 205. Les choses n'avaient pas changé quelques années plus tard; Ilion peut-être exceptée 2), aucune ville grecque d'Asie n'avait noué de relations avec les Romains. Ceux-ci ignoraient donc parfaitement les Téiens), lesquels auraient dû tout ensemble et se faire connaître d'eux et se concilier leurs bonnes grâces.

Ce n'était point une mince affaire. Le décret si instructif du peuple de Lampsaque en l'honneur d'Hégésias 4) fait voir qu'au début du II° siècle, les Hellènes d'Asie ne se risquaient qu'avec d'extrêmes précautions à s'adresser en solliciteurs au Sénat; ils prenaient soin de se munir au préalable, pour séduire sa bienveillance, de toutes les recommandations qu'ils jugeaient les plus efficaces. Les Lampsakéniens, bien qu'ils pussent se prévaloir (et ils n'y manquèrent pas) d'un cousinage mythique avec Rome, crurent devoir chercher jusqu'à Massalia, parmi les Six-cents, des avocats qui appuieraient leur cause dans la curie, s'étant souvenus fort à propos qu'ils étaient frères" des Massaliotes. Mais les Téiens, moins heureux. n'avaient personne qui les pût recommander; selon les idées de l'époque, un puissant patronage leur était indispensable, qui leur faisait défaut: celui d'Attale, auquel en d'autres temps ils auraient facilement recouru. leur échappait nécessairement, soumis qu'ils étaient à Philippe.

ཞན

Quatre ans passèrent, et la guerre de Macédoine s'acheva, sans que laovía de Téos eût été reconnue à Rome. Par bonheur et contre toutes les prévisions, l'Asie maritime n'avait point été comprise dans le champ des hostilités, en sorte que Téos n'avait rien eu à souffrir. Elle sortait intacte de l'aventure. Mais, dès 196, on pouvait, à des signes répétés l'appui prêté par le Sénat aux villes de Lampsaque. de Smyrne et d'Alexandrie Troas, les déclarations faites aux Grecs par ses commissaires), les

1) Liv., XXIX, 11, 1 (dans cette phrase, le mot socias, certainement impropre, doit être entendu au sens d'amicas).

2) Liv. (= Pol.), XXIX, 12, 14. Les liens sont adscripti par les Romains au traité de 205. Pas plus que Cardinali (Regno di Pergamo, p. 90, note 2), je ne vois de motif pour nier, avec Niese (II, p. 502, note 4), la réalité de ce fait. La seule chose surprenante, c'est que les Iliens soient nommés en premier lieu.

3) Scheffler, (De reb. Teiorum, p. 29) écrit avec raison, à propos de la décision prise par les Romains en faveur de Téos en 193: „Et Romani quidem, quibuscum Teiis tunc primum negotium fuisse crediderim, rationibus suis... satisfecerunt.“

4) Dittenberger. Sylloge, 276 (Michel, 529); cf. Wilhelm, Gött. gel. Anz., 1900, p. 93–95. Il s'en faut que toutes les parties de ce précieux document aient été bien comprises; j'en compte donner bientôt une étude nouvelle.

5) Polyb., XVIII, 44, 2: — τοὺς μὲν ἄλλους Ἕλληνας πάντας, τούς τε κατὰ τὴν ̓Ασίαν καὶ κατὰ τὴν Εὐρώπην ἐλευθέρους ὑπάρχειν κτλ.: cf. 46, 15.

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