Rien ne me peut chasser cette image cruelle; Et, dès qu'un doux sommeil me vient délivrer d'elle, Dans mon esprit aussitôt Quelque songe la rappelle Qui me réveille en sursaut. CYDIPPE. Ma sœur, voilà mon martyre. Tout ce qui se passe en moi. AGLAURE. Mais encor, raisonnons un peu sur cette affaire. Pour inspirer tant d'ardeurs? Quel droit de beauté lui donne L'empire de tous les cœurs? Elle a quelques attraits, quelque éclat de jeunesse, Est-on d'une figure à faire qu'on se raille? N'a-t-on point quelques traits et quelques agréments, Quelque teint, quelques yeux, quelque air et quelque taille, A pouvoir dans nos fers jeter quelques amants? De me parler franchement: Suis-je faite d'un air, à votre jugement, Que mon mérite au sien doive céder la place? CYDIPPE. Qui? vous, ma sœur? Nullement. Mais, moi, dites, ma sœur, sans me vouloir flatter, AGLAURE. Vous, ma sœur? Vous avez, sans nul déguisement, Et je serois votre amant, Si j'étois autre que femme. CYDIPPE. D'où vient donc qu'on la voit l'emporter sur nous deux, Qu'à ses premiers regards les cœurs rendent les armes, Et que d'aucun tribut de soupirs et de vœux On ne fait honneur à nós charmes? AGLAURE. Toutes les dames, d'une voix, Trouvent ses attraits peu de chose; Et du nombre d'amants qu'elle tient sous ses lois, CYDIPPE. Pour moi, je la devine; et l'on doit présumer N'est point de la nature un effet ordinaire : AGLAURE. Sur un plus fort appui ma croyance se fonde; Qui tend les bras à tout le monde, Notre gloire n'est plus aujourd'hui conservée, On est bien descendu dans le siècle où nous sommes; 2 Et l'on en est réduit à n'espérer plus rien, A moins que l'on se jette à la tête des hommes. CYDIPPE. Oui, voilà le secret de l'affaire; et je voi Que vous le prenez mieux que moi. C'est pour nous attacher à trop de bienséance L'honneur de notre sexe et de notre naissance. Tous les amants qu'on voit sous son empire. AGLAURE. J'approuve la pensée; et nous avons matière D'en faire l'épreuve première Aux deux princes qui sont les derniers arrivés. CYDIPPE. Ah! ma sœur, ils sont faits tous deux d'une manière Que mon âme... Ce sont deux princes achevés. AGLAURE. Je trouve qu'on pourroit rechercher leur tendresse Sans se faire déshonneur. CYDIPPE. Je trouve que, sans honte, une belle princesse AGLAURE. Les voici tous deux : et j'admire CYDIPPE. Ils ne démentent nullement Tout ce que nous venons de dire. SCÈNE II. CLÉOMÈNE, AGÉNOR, AGLAURE, CYDIPPE. AGLAURE. D'où vient, princes, d'où vient que vous fuyez ainsi? Prenez-vous l'épouvante en nous voyant paroître? CLÉOMÈNE. On nous faisoit croire qu'ici La princesse Psyché, madame, pourroit être. AGLAURE. Tous ces lieux n'ont-ils rien d'agréable pour vous, AGÉNOR. Ces lieux peuvent avoir des charmes assez doux; |