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LA COMTESSE.

Comment donc! Qu'est-ce que cela veut dire?

LE VICOMTE.

Cela veut dire, madame, que j'épouse Julie : et, si vous m'en croyez, pour rendre la comédie complète de tout point, vous épouserez monsieur Tibaudier, et donnerez mademoiselle Andrée à son laquais, dont il fera son valet de chambre.

LA COMTESSE.

Quoi! jouer de la sorte une personne de ma qualité!

LE VICOMTE.

C'est sans vous offenser, madame; et les comédies veulent de ces sortes de choses.

LA COMTESSE.

Oui, monsieur Tibaudier, je vous épouse pour faire enrager tout le monde.

M. TIBAUDIER.

Ce m'est bien de l'honneur, madame.

LE VICOMTE, à la comtesse.

Souffrez, madame, qu'en enrageant nous puissions voir ici le reste du spectacle.

FIN DE LA COMTESSE D'ESCARBAGNAS.

RÉFLEXIONS

SUR

LA COMTESSE D'ESCARBAGNAS.

MOLIÈRE, dans ses voyages, avoit observé avec soin les mœurs des provinces : il est à présumer que, s'il eût vécu plus long-temps, il se seroit exercé sur cette matière, qui étoit alors très-féconde: LA COMTESSE D'ESCARBAGNAS est une esquisse de ce grand tableau.

De nos jours il y a moins de différences entre les mœurs des provinces et celles de la capitale que dans le dix-septième siècle : alors les communications étoient plus difficiles; on voyageoit rarement; et le goût du luxe et des plaisirs, beaucoup moins répandu qu'aujourd'hui, n'attiroit pas à Paris un si grand nombre d'étrangers. De là nécessairement, dans les provinces, plus de ces défauts et de ces ridicules qui tiennent à l'isolement et à l'inexpérience; moins de ces manières naturelles et polies qui distinguent les hommes bien élevés de tous les pays.

Cependant les provinces offrent encore aujourd'hui plusieurs traits caractéristiques qui se trouvent dans LA COMTESSE D'ESCARBAGNAS. Il est facile d'en donner la raison, en considérant la nature des choses. Dans les villes d'une médiocre population, comme le sont presque toutes celles qui sont éloiguées de Paris, tout le monde se connoît, et par conséquent la jalousie, les rivalités, les petites passions s'y déploient avec

plus d'activité que dans une grande ville: il en résulte nécessairement un esprit général de minutie et de détail contraire à ce qui demande de grandes vues et à ce qui peut rendre la société agréable. Le défaut de plaisirs publics fait naître une sorte d'apathie qui peu à peu s'empare des âmes les plus actives, et les soumet à une existence d'habitude qui les ennuie, mais à laquelle on auroit peine à les faire renoncer. L'ignorance des ressorts politiques, dont communément les sociétés de la capitale ont toujours quelque connoissance, multiplie les hommes à spéculation et les nouvellistes, qui ne sont jamais plus nombreux que dans les petites villes. Enfin les différents états y sont beaucoup plus distingués qu'à Paris : un homme de robe galant y est encore très-ridicule ; et l'on pourroit y voir des financiers tels que M. Harpin.

On sent que les provinces ne sont considérées ici que sous les rapports de la comédie, rapports qui ne peuvent leur être favorables: si, d'un autre côté, l'on vouloit examiner ce qu'elles présentent d'estimable, soit pour les mœurs domestiques, soit pour l'ordre et la probité, soit même pour des travaux qui exigent de longues combinaisons, et qu'on les comparât aux grandes villes, il y a lieu de douter si la compensation ne leur seroit pas avantageuse.

Molière, dans LA COMTESSE D'ESCARBAGNAS, entre sur-lechamp en matière : il trace le portrait des nouvellistes et des politiques de petites villes, et peint leurs ridicules d'une manière admirable. L'art avec lequel ce morceau est amené annonce un grand maître. Le vicomte est venu tard au rendez-vous que lui a donné sa maîtresse : il faut bien qu'il s'excuse en faisant le récit des importunités qui l'ont arrêté.

La comtesse, avant qu'elle paroisse, est déjà ridicule : on voit qu'elle n'est plus jeune, et que cependant elle a un amant

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qui la trompe : il étoit impossible de la mieux annoncer. Mais quand elle paroît, elle surpasse l'idée qu'on s'en étoit faite. Parce qu'elle est allée deux fois à Paris, elle se croit une dame de la cour elle mêle à son langage bourgeois les termes qu'elle a pu retenir, et n'est pas entendue de ses domestiques, ce qui donne lieu à des méprises plaisantes. LA COMTESSE d'EsCARBAGNAS est le modèle de plusieurs amoureuses ridicules, telles que les deux femmes qui aiment LE CHEVALIER À LA MODE, de Dancourt. Regnard et Destouches l'ont aussi imitée; mais, voulant pousser le comique trop loin, ils n'ont souvent présenté que des caricatures.

Le Pédant Bobinet est d'un autre genre que le Métaphraste du DÉPIT AMOUREUX : il paroît honnête, exact, et n'a d'autre défaut que son langage, qui n'est nullement chargé. Ce rôle est court; mais, par la mesure qui s'y trouve, par l'extrême vraisemblance, il peut passer pour un des meilleurs de la pièce.

M. Tibaudier, conseiller près d'un tribunal inférieur, à la manie dụ bel esprit joint un amour ridicule : il n'en faut pas tant pour être joué sur le théâtre. On n'a pas encore remarqué que sa lettre à la comtesse est une parodie très-piquante de celles de Balzac : il suffiroit, pour s'en convaincre, de lire la lettre que ce dernier écrivit à madame de Rambouillet pour la remercier d'un envoi de gants et de parfums. L'affectation de Balzac avoit toujours déplu à Molière, et ce trait n'est pas le seul qu'il lui ait lancé; mais il n'avoit osé l'attaquer ouvertement, parce que ses admirateurs étoient encore nombreux. La plaisanterie, du reste, est d'autant meilleure, que Balzac, pendant une partie de sa vie, avoit habité la ville d'Angoulême, où se passe la scène. Le conseiller pouvoit passer pour un de ses élèves.

MOLIÈRE. 6.

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Le Sage a trouvé l'idée de sa meilleure pièce dans le personnage de M. Harpin : tout le caractère de TURCARET y est indiqué; on y voit sa brusquerie, sa libéralité grossière, et son défaut de discernement. Il est bien à regretter que Molière n'ait laissé qu'une esquisse aussi légère du grand tableau que pouvoient lui offrir les mœurs des provinces: mais on voit du moins, dans LA COMTESSE D'ESCARBAGNAS, les premiers traits d'un grand maître, et le parti qu'il auroit tiré de ce sujet, s'il avoit eu le temps de le méditer et de l'approfondir.

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