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RÉFLEXIONS

SUR

LE MALADE IMAGINAIRE.

CETTE pièce offre un ridicule qui est de tous les temps: on voit aujourd'hui, comme dans le dix-septième siècle, des hommes que l'amour excessif d'eux-mêmes rend visionnaires sur leur santé, qui croient toujours être malades, et qui, sans avoir la plus légère indisposition, consultent sans cesse les médecins. Cet égoïsme, qui entraîne ceux qui en sont atteints dans tous les travers de la foiblesse et de la crédulité, est peut-être un des défauts les plus propres à être mis sur le théâtre. Il n'y a rien de trop odieux dans ce défaut, qui donne lieu à des plaisanteries continuelles; et le ridicule dont on peut le couvrir doit nécessairement le corriger jusqu'à un certain point. Il s'agit de dissiper une illusion, et d'en montrer la folie c'est ce que Molière a fait avec tout le talent d'un grand maître. Conformément aux lois du théâtre, son Malade imaginaire ne reconnoît pas son erreur à la fin de la pièce : mais, prévenu contre Béline qui avoit intérêt à l'entretenir dans sa crédulité, séparé des médecins dont les conseils nourrissoient ses craintes et ses inquiétudes, livré désormais à de jeunes époux, tels que Cléante et Angélique, on peut présumer qu'il ne tardera pas à être entièrement guéri de ses visions.

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Le caractère d'Argan est curieux à examiner, parce qu'il donne une idée complète des bourgeois du dix-septième

šiècle. On a vu, dans le Discours préliminaire, quelles étoiem l'ignorance et la bonhomie de ceux qui, n'ayant point d'étáť, vivoient de leur revenu. Argan est fort riche : il pourroit meher la vie la plus agréable; mais il préfère à tout la retraite et l'oisiveté. Prévenu d'une idée qui le tourmenté sans cesse, il ne fait aucun effort pour s'en distraire; il n'aime que les gens qui l'entretieïmént de sa manie, et qui augmentent ses craintes : son excessive simplicité le rend le jouet d'une femme avide, qui n'a pas besoin d'employér l'adresse pour lé tromper : il aime ses deux filles, mais il est bien résolu de sacrifier l'aînée à un médecin, afin d'avoir chez lui un homme qu'il puissé consulter à toutes les heures. Ce rôle admirablé réspiré la naïveté et la boňhomie; il ne présente pas un mot qui ne soit de caractère; et plus on l'examine, plus on admire, dans les moindres détails, l'homme de génie qui l'a tracé.

Molière né montré pás móïns de talent dans la manière dont if entoure ce personnage. Purgon, son médecin, et Diafoirus, n'ont que la dose de ridicule qui convient à leur caractère et à leur situation. Ils raisonnent avec méthode d'après les faux principes qu'ils ont adoptés. Ils n'ont point l'intention d'être charlatans : ce sont des hommes fort instruits, mais égarés par l'esprit de système, et qui, manquant du discernement nécessaire pour faire un bon usage de la science, trompent les autres, et se trompent eux-mêmes. C'est donc à tort qu'on a reproché à Molière d'avoir cherché à avilir les médecins en donnant à Purgon des sentiments bas et intéressés; cette intention étoit très-éloignée de lui; Béralde, représenté comme le plus ardent adversaire de ce médecin, le peint d'une manière toute différente: «C'est, dit-il, un «homme tout médecin depuis la tête jusqu'aux pieds; un « homme qui croit à ses règles plus qu'à toutes les démons

en

«<trations des mathématiques... Il ne lui faut point vouloir «mal de tout ce qu'il pourra vous faire, c'est de la meilleure « foi du monde qu'il vous expédiera; et il ne vous fera, « vous tuant, que ce qu'il a fait à sa femme et à ses enfants, « et ce qu'en un besoin il feroit à lui-même. ».

Thomas Diafoirus passe aujourd'hui assez généralement pour une charge: mais on n'auroit plus cette prévention, si l'on vouloit se reporter aux mœurs du temps. Les savants, et surtout les médecins, n'étoient pas, comme aujourd'hui, répandus dans la société; ils ne vivoient qu'avec leurs livres; et si quelquefois l'idée leur venoit d'être galants, ce n'étoit qu'à force de citations grecques et latines qu'ils parvenoient à faire leurs compliments. J'en ai cité dans le Discours préliminaire un exemple tiré des lettres de Balzac.

Le défaut des médecins de ce siècle étoit de rester opiniâtrément attachés à leurs vieilles routines: ils avoient autant de répugnance pour les innovations que leurs successeurs s'en sont par la suite montrés avides. Voilà pourquoi, dans le siècle de Louis XIV, tandis que les lettres, en suivant ce système de respect pour les anciens, furent portées à leur perfection, les sciences restèrent long-temps en arrière. Cela vint de ce que les savants méconnurent la véritable marche des connoissances positives, qui diffère essentiellement de celle que doit tenir la littérature. Les chefs-d'œuvre, en ce dernier genre, sont toujours composés à l'époque où une nation commence à se livrer à la culture des lettres, et tous les Ouvrages qui suivent ne sont estimés qu'en proportion des rapports qu'ils ont avec ces belles productions: le beu ne change jamais; les règes du goût sont simples et invariables. Dans les sciences, au contraire, on ne fait en commençant que des pas foibles et incertains: ce n'est qu'en méditant sur

des découvertes déjà faites, en en faisant de nouvelles, qu'on parvient à donner à ces sciences le degré de perfection dont elles sont susceptibles. Les innovations y sont aussi utiles qu'elles peuvent être dangereuses dans la littérature. Ainsi les médecins du dix-septième siècle, en conservant pour l'antiquité le respect que Racine et Boileau avoient pour Homère, se trompèrent sur la marche qu'ils devoient suivre, et méritèrent, sous plusieurs rapports, le ridicule dont Molière les frappa.

Béralde, l'homme raisonnable de la pièce, est parfaitement placé auprès d'Argau. Mais peut-être n'a-t-il pas toute la mesure que Molière cut constamment soin de donner aux personnages de ce genre, dans lesquels on voit qu'il a voulu se peindre lui-même. Il traite mal à propos de momerie la prétention que montre un homme d'en guérir un autre : en cela Molière a passé le but. Ses ennemis ne manquèrent pas de lui reprocher cette légère faute; et l'on peut voir dans sa Vie le tour singulier qu'ils prirent pour l'attaquer.

Il y a plusieurs rapports entre Argan et l'Orgon du TARTUFFE. Dans les deux pièces, un père de famille, naturellement bon, est égaré par sa foiblesse et sa crédulité : sa fille doit être sacrifiée à cette erreur : une suivante a pris dans sa maison un ton de liberté, et même d'insolence; et son frère, honnête homme, emploie tous les moyens possibles pour le ramener à la raison. Voilà les rapports; voici les différences.

Angélique a beaucoup moins de douceur que Mariane : c'est une jeune personne pleine d'agrément et d'esprit; mais elle tient tête à son père, et refuse nettement d'épouser Diafoirus, malgré les dangers qui la n ena rent. Toinette est plus insolente que Dorine; elle passe toutes les bornes; et son caractère ne seroit pas vraisemblable, sa as la foiblesse excessive MOLIÈRE. 6.

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de son maître. Béline est une toute autre femme qu'Elmire. Quelle différence entre ces deux personnes! L'une et l'autre ont épousé en secondes noces un homme àgé et peu aimable; l'une et l'autre sont belles-mères. Elmire est un modèle de décence, de grâce et de vertu : quoique jeune, elle se conforme aux goûts de son mari; elle chérit les enfants du premier lit comme s'ils étoient les siens : tous les charmes qui peuvent embellir une honnête femme sont répandus sur elle. Béline au contraire n'a épousé Argan que par le plus vil întérêt, et le hait en secret, quoiqu'elle l'accable de caresses; elle compte ses jours, et se réjouit quand elle le croit mort. On voit qu'Argan est plus malheureux qu'Orgon, quoiqu'il lui arrive des accidents moins graves. Pourquoi Molière a-t-il établi cette différence entre deux personnages de la même espèce?

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C'est qu'Orgon est beaucoup plus intéressant que le Malade imaginaire. Il porte à l'excès une chose bonne en ellemême, la dévotion. Ce défaut, quand il ne dégénère pas en hypocrisie, est plus à plaindre qu'à blâmer; on est disposé à excuser une exagération qui prend sa source dans la vertu; on pardonne à un homme foible comme Orgon, qui a autrefois rendu des services à son prince, de se livrer sans discernement à des principes qui ne l'égarent que parce qu'il les conçoit mal, et d'accorder toute sa confiance à un homme qu'il croit parfait. Argan au contraire est un véritable égoïste; ses inquiétudes et ses foiblesses le feroient mépriser, si sa bonhomie n'inspiroit pas la gaîté; et le sacrifice qu'il fait au désir d'avoir toujours un médecin à ses côtés, détruit tout l'intérêt · qu'on pourroit lui porter. Molière, en grand maître, a senti que son intérieur devoit être fort différent de celui d'Orgon.

J'ai observé dans le Discours préliminaire que le MALADE

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