PROLOGUE. SCÈNE I. Le théâtre représente, sur le devant, un lieu champêtre, et la mer dans le fond, FLORE, VERTUMNE, PALÉMON, NYMPHES DE FLORE, DRYADES, SYLVAINS, FLEUVES, NAÏADES. (On voit des nuages suspendus en l'air, qui, en descendant, roulent, s'ouvrent, s'étendent, et, répandus dans toute la largeur du théâtre, laissent voir Vénus et l'Amour accompagnés de six Amours, et à leurs côtés Égiale et Phaenne.) FLORE. de la guerre, Ce n'est plus le temps Pour donner la paix à la terre. Descendez, mère des Amours; Venez nous donner de beaux jours. CHOEUR des divinités de la terre et des eaux. Nous goûtons une paix profonde, Les plus doux jeux sont ici-bas. On doit ce repos plein d'appas Au plus grand roi du monde. PREMIÈRE ENTRÉE DE BALLET. (Les dryades, les sylvains, les dieux des fleuves et les naïades, se réunissent et dansent à l'honneur de Vénus.) VERTUM NE. Rendez-vous, beautés cruelles; Soupirez à votre tour. PALÉMON. Voici la reine des belles, Qui vient inspirer l'amour, VERTUM NE, Un bel objet toujours sévère PALÉMON. C'est la beauté qui commence de plaire; TOUS DEUX ENSEMBLE. C'est la beauté qui commence de plaire; VERTUMNE. Souffrons tous qu'Amour nous blesse ; PALÉMON. Que sert un cœur sans tendresse ? Est-il un plus grand défaut? VERTUMNE. Un bel objet toujours sévère Ne se fait jamais bien aimer, PALÉMON. C'est la beauté qui commence de plaire; Mais la douceur achève de charmer. (Les divinités de la terre et des eaux mêlent leurs danses aux chants de Flore.) FLORE. L'Amour charme Ceux qu'il désarme; L'Amour charme, Notre peine Seroit vaine De vouloir résister à ses coups. Quelque chaîne Qu'un amant prenne, La liberté n'a rien qui soit si doux. CHŒUR des divinités de la terre et des eaux Nous goûtons une paix profonde, Les plus doux jeux sont ici-bas. Descendez, mère des Amours; Venez nous donner de beaux jours. TROISIEME ENTRÉE DE BALLET. (Les dryades, les sylvains, les dieux des fleuves et les naïades, voyant approcher Vénus, continuent d'exprimer par leurs danses la joie que leur inspire sa présence, VENUS, dans sa machine. Cessez, cessez pour moi tous vos chants d'allégresse, De si rares honneurs ne m'appartiennent pas; Et l'hommage qu'ici votre bonté m'adresse Toutes les choses ont leur tour, Il est d'autres attraits naissants Où l'on va porter ses encens, Psyché, Psyché la belle, aujourd'hui tient ma place; Et c'est trop que, dans ma disgrâce, Je trouve encor quelqu'un qui me daigne honorer, Souffrez que ces demeures sombres. Prêtent leur solitude aux troubles de mon cœur, Et me laissez, parmi leurs ombres, Cacher ma honte et ma douleur. (Flore et les autres déités se retirent; et Vénus, avec sa suite, sort de sa machine.) SCÈNE II VÉNUS, DESCENDUE SUR LA TERRE, L'AMOUR, ÉGIALE, PHAENNE, AMOURS. ÉGIALE. Nous ne savons, déesse, comment faire Notre zèle veut parler. VÉNUS. Parlez : mais si vos soins aspirent à me plaire, Laissez tous vos conseils pour une autre saison, Que pour dire que j'ai raison. C'étoit là, c'étoit là la plus sensible offense Que ma divinité pût jamais recevoir ; Mais j'en aurai la vengeance, Si les dieux ont du pouvoir, PHAENNE. Vous avez plus que nous de clartés, de sagesse, Mais, pour moi, j'aurois cru qu'une grande déesse, VÉNUS. Et c'est là la raison de ce courroux extrême. Plus mon rang a d'éclat, plus l'affront est sanglant; Et, si je n'étois pas dans ce degré suprême, Le dépit de mon cœur seroit moins violent, Moi, la fille du dieu qui lance le tonnerre; Moi, les plus doux souhaits du ciel et de la terre, |