Sa douceur tyrannise un cœur infortuné Qu'aux plus cuisants chagrins ma flamme a condamné. Cher auteur des maux que j'endure, Je vous en ai banni moi-même. Dans un excès d'amour, dans un bonheur extrême, Mourons, c'est le parti qui seul me reste à suivre Pour qui, grands dieux! voudrois-je vivre? Fleuve, de qui les eaux baignent ces tristes sables, Et, pour finir des maux si déplorables, LE DIEU DU FLEUVE. Ton trépas souilleroit mes ondes, Et peut-être qu'après des douleurs si profondes, Un autre sort t'attend. Fuis plutôt de Vénus l'implacable colère; Je la vois qui te cherche et qui te veut punir : Fuis, je saurai la retenir. PSYCHÉ. J'attends ses fureurs vengeresses; Qu'auront-elles pour moi qui ne me soit SCÈNE V. VÉNUS, PSYCHÉ, le dieu du fLEUVE. VÉNUS. ORGUEILLEUSE Psyché, vous m'osez donc attendre, Ont reçu les encens qu'aux miens seuls on doit rendre? J'ai vu mes temples désertés, J'ai vu tous les mortels, séduits par vos beautés, Vous offrir des respects jusqu'alors inconnus, S'il étoit une autre Vénus : Et je vous vois encor l'audace De n'en pas redouter les justes châtiments, Comme si c'étoit peu que mes ressentiments? PSYCHÉ. Si de quelques mortels on m'a vue adorée, MOLIÈRE. 6. Est-ce un crime pour moi d'avoir eu des appas Dont leur âme inconsidérée Laissoit charmer des yeux qui ne vous voyoient pas? Je suis ce que le ciel m'a faite, Je n'ai que les beautés qu'il m'a voulu prêter; Si les vœux qu'on m'offroit vous ont mal satisfaite, Vous n'aviez qu'à vous présenter, VÉNUS. Il falloit vous en mieux défendre. Il falloit à leurs yeux vous-même me les rendre. Pour qui vous ne deviez avoir que de l'horreur; Vous avez bien fait plus; votre humeur arrogante Jusques aux cieux a porté de son choix L'ambition extravagante. PSYCHÉ. J'aurois porté mon choix, déesse, jusqu'aux cieux? VÉNUS. Votre innocence est sans seconde. Dédaigner tous les rois du monde, PSYCHÉ. Si l'amour pour eux tous m'avoit endurci l'âme, Et me réservoit toute à lui, En puis-je être coupable? et faut-il qu'aujourd'hui, Pour prix d'une si belle flamme, Vous vouliez m'accabler d'un éternel ennui? VÉNUS. Psyché, vous deviez mieux connoître Qui vous étiez, et quel étoit ce dieu. PSYCHÉ. Et m'en a-t-il donné ni le temps ni le lieu; Lui qui de tout mon cœur d'abord s'est rendu maître? Tout votre cœur s'en est laissé charmer, PSYCHÉ. Pouvois-je n'aimer pas le dieu qui fait aimer, VÉNUS. Oui, c'est mon fils, mais un fils qui m'irrite. Et qui, pour mieux flatter ses indignes amours, On m'en verra vengée, et hautement, sur vous; Et je vous apprendrai s'il faut qu'une mortelle Souffre qu'un dieu soupire à ses genoux. Suivez-moi; vous verrez, par votre expérience, A quelle folle confiance Vous portoit cette ambition. Venez, et préparez autant de patience FIN DU QUATRIÈME ACTE. |